CECI n'est pas EXECUTE 12 décembre 1855

Année 1855 |

12 décembre 1855

Alfred de Falloux à Victor Cousin

12 décembre 1855*

Cher M. Cousin, quel coup de foudre que cette mort de Molé1 pour les derniers hôtes de Champlatreux, et que nous l'avons, j'en suis sûr, vivement en commun! J'ai peine encore à m'accoutumer à cette idée; j'ai sans cesse devant les yeux cette noblesse et ce charme de formes qui couvraient si délicatement les traces de l'âge et les menaces de la mort! Vous n'aurez pas de peine à comprendre mon premier abattement ni à me pardonner de n'avoir pris aucune initiative vis-à-vis de personne au sujet de ce douloureux héritage. Le désir d'honorer cette mémoire était plus que balancé par moi par la crainte de tromper l'attente d'affections si tendres et en même temps si bon juges. Ces affections pouvaient seules trancher une telle question. Elles l'ont fait sans hésiter, veut-on bien m'écrire, et je ne dois plus hésiter moi-même. Dés lors cher M. Cousin, je viens à vous en ami confiant et sincère. Ma candidature a été votre œuvre première. Sans votre encouragement cette ambition n'aurait jamais mis le nez à la fenêtre. Il faut désormais qu'elle soit votre ouvrage jusqu'au bout. J'ignore quelles nouvelles combinaisons vont surgir d'un double scrutin: accordez-moi la grâce de les connaître à ma place et l'honneur de les résoudre en mon nom, en me laissant ici combattre l'hiver pour tout ennemi, avec les ressources qui n'appartiennent qu'à la campagne, achever mon travail du Correspondant et reprendre des forces que je puisse ensuite mettre convenablement aux ordres de l'Académie, si elle daigne m'y autoriser. Soyez même assez bon pour présenter la même requête pour moi à M. Villemain. Je n'oublie pas les exigences multiples auxquelles doit répondre un secrétaire perpétuel et celui-ci en est le modèle accompli à tous les points de vue. Aussi n'ai-je pas la prétention de correspondre avec lui confidentiellement que par votre intermédiaire. Lorsque l'heure d'écrire la lettre officielle sera venue, vous aurez la bonté de m'avertir et m'en indiquer la teneur approximative. Je n'en garde pas moins pour cela la ferme résolution d'aller assister à la réception de M. le duc de B[roglie]; mais je dois me souvenir des obstacles qu'improvise le mois de janvier et qui m'ont interdit, l'année dernière, la réception de M. Berryer. Je vais donc prendre mes précautions à tout événement, et je les résume toutes en une seule, celle de faire appel à votre loyale et affectueuse bienveillance.

J'ai vu Quatrebarbes et il a dû écrire de nouveau à Mme d'Hautefort. Il n'y a que le portrait de Mme de Longueville2 qui ne quittera pas l'Anjou, afin que nous conservions quelque chose de digne et de capable de vous y attirer; et soyez bien convaincu que l'homme le moins disposé à lâcher un tel gage est votre tout dévoué serviteur.

*Lettre publiée par Paul Bonnefon, Deux élections académiques sous le Second Empire; le comte de Falloux et le poète Jos. Autran, in L'Amateur d'autographes, n°1, janv. 1911.

Notes

1Louis Molé était mort le 23 novembre 1855.
2Marie d'Orléans Longueville (1625-1707), duchesse de Nemours. Victor Cousin lui avait consacré un ouvrage en 1851,  Madame de Longueville : nouvelles études sur les femmes illustres de la société du XVIIe siècle. La jeunesse de Madame de Longueville.

Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «12 décembre 1855», correspondance-falloux [En ligne], Année 1852-1870, Second Empire, Année 1855, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES,mis à jour le : 20/09/2013