CECI n'est pas EXECUTE 13 septembre 1857

Année 1857 |

13 septembre 1857

Alexis de Tocqueville à Alfred de Falloux

Tocqueville ce dimanche matin 13 [septembre 1857]1

Votre lettre que j'ai reçue hier au soir, mon cher ami, m'a rempli de la plus vive douleur. Je n'espérais plus guère avoir le bonheur de revoir celle que nous venons de perdre, mais que j'étais loin de m'attendre à cette mort soudaine. J'en suis plus consterné que je ne puis vous le dire. Mme Swetchine que j'avais vu depuis longtemps mais que, malheureusement je n'avais connu que depuis deux ans à peine, m'avait inspiré l'attachement le plus profond et le plus tendre. Son souvenir ne s'effacera jamais de ma mémoire. Il y <mot illisible> avec l'image de la plus parfaite et de la plus aimable vertu que j'ai jamais rencontrée. L'extrême bonté dans l'âme la plus ferme un amour incomparable pour le siècle et pour la justice et avec tant de supériorité diverses, une si véritable et constante indulgence. Je suis sûr qu'il n'y a point de mort qui fasse naître autant de regrets et de douleurs <mot illisible>. Vous savez de quelle bonté elle m'a toujours comblé et vous pouvez juger si je prends ma part vive dans cette douleur générale. Il y a une pensée particulièrement navrante pour moi. Je vois que vous n'avez reçu ma dernière lettre qu'après que Mme Swetchine n'était plus. Celle-ci n'a pu savoir combien son état <deux mots illisibles> me remplissait de chagrin et d'inquiétude. Elle a pu croire que la sachant si malade, je ne m'occupais pas même de savoir de ses nouvelles ; tandis que jusqu'au moment où je vous ai écris j'ai entièrement ignoré ce qui se passait. La lettre que j'avais reçu il y a six semaines des Circourt2 me donnait, au contraire, de grandes espérances et la dernière lettre que j'ai écrite moi-même à Mme Sw[etchine] était pour la féliciter sur ce missel imaginaire. Dites-moi, je vous prie, que ce silence de ma part dans de pareilles circonstances, ne lui a pas fait croire à une tiédeur qui était bien loin de mon cœur.

Combien je suis touché de ce que vous me dites de ses volontés à mon égard ? Le souvenir dont vous me parlez, sera gardé par mois tant que je vivrai comme la plus précieuse relique.

Adieu, mon cher Falloux, c'est comme vous le dites un grand lien entre nous que celui de cette commune douleur.

                                                               A. Tocqueville

Notes

1Tocqueville parle de la mort de Mme Swetchine, intervenue le 10 septembre 1857.
2Adolphe de Circourt (1801-1879), et depuis 1830, son épouse  Anasthasie, née Klustine (1810-1863), d’origine russe. Ils étaient tous deux très proches d'A. de Tocqueville. Leur correspondance avec A. de Tocqueville a été publiée aux éditions Gallimard..

Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «13 septembre 1857», correspondance-falloux [En ligne], Second Empire, Année 1852-1870, Année 1857, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES,mis à jour le : 14/09/2013