Année 1854 |
19 décembre 1854
Alfred de Falloux à Narcisse-Achille de Salvandy
19 décembre 1854*
Mon bien cher comte, je me reproche de ne vous avoir pas assez dit, dans mon billet très précipité de Champlatreux, comment je m'étais uni à votre propre douleur, et de vous avoir prié de faire agréer à Mme de Salvandy ma plus sympathique condoléance. En dehors même de l’universel regret qui s'attache à la mémoire de celle que vous pleurez, vous faites toujours en toute occasion une si généreuse part à vos amis que rien de ce qui vous touche ne saurait leur demeurer indifférent!
Cela dit, du fond du cœur comme tout ce que je vous adresse, je tiens aussi à vous rendre compte d'une longue conversation avec M. Guizot. Il a hautement reconnu que je ne pouvais honorablement me retirer devant la position actuelle et qu'elle devait être mise tout entière en délibération entre M. de B[roglie] et mes propres amis. Il a reconnu que je n'avais pas devant moi le noble duc son ami, mais une machine de guerre chargée par d'autres mains que les siennes. Nous nous sommes séparés d'accord sur ces deux points sans aucune réserve, M. Dumon présent à l'entretien. Je l'ai reporté aussitôt à M. Berryer qui accepte avec une très chaleureuse résolution le débat et sur les candidatures et sur la réaction générale que le nom de M. de B était destiné à couvrir. Il en sera certainement de même de M. de Montalembert qui arrive le 25. A quelle époque croyez-vous être de retour? Je ne voudrais pas plus commettre une indiscrétion en vous adressant cette démarche que priver ma cause d'un champion tel que vous, faute de vous avoir fait connaître les faits. Pesez, jugez toute chose et surtout, bien cher comte, gardez-moi une affection dont je suis aussi fier que touché.
A. de Falloux
*Lettre publiée par Paul Bonnefon, Deux élections académiques sous le Second Empire; le comte de Falloux et le poète Jos. Autran, L'Amateur d'autographes, n°1, janv. 1911.
