CECI n'est pas EXECUTE Ier mars 1861

Année 1861 |

Ier mars 1861

Auguste Nicolas à Alfred de Falloux

Toulouse 1er mars 1861

Mon bien cher ami,

Il me revient, par le canal d'une amitié bien délicate et bien fidèle que M. Berryer et les amis de la cause Patterson1 ont été contrariés et même mécontents de ce que je ne suis pas restés 15 jours à Paris pour être juge dans cette affaire, alors qu'une dépêche télégraphique m'appelait auprès de mon fils mourant. Le mécontentement me fait un juste honneur en ne doutant pas de la parfaite indépendance de mon opinion, quelle qu'elle ait eut été, dans ce procès ; mais il me fait aussi un injuste grief en supposant que j'ai pu trop légèrement faire céder mes devoirs de juge à mes préoccupations de père. J'aurais, à ce sujet, à donner des explications qui m'acquitteraient amplement de ce reproche aux yeux de tout le monde, même d'un ennemi. Mais je croirais faire injure à notre amitié autant qu'à moi-même en donnant de telles justifications. Je ne doute pas au contraire que si Berryer, comme c'est vraisemblable, s'en est ouvert à vous, vous vous êtes fait fort pour moi en écartant le préjugé de sa préoccupation de défenseur par celui de votre conviction et de votre expérience d'ami. Vous avez eu raison : n'hésitez jamais, dans aucune circonstance à me croire par le caractère du moins et par le cœur, digne de vous.

Mon pauvre fils est bien malade. Les médecins ne me permettent que peu d'espoir ; et chaque jour ce peu d'espoir diminue. Il y a eu d'abord une hémoptysie ou hémorragie pulmonaire qui n'a cédé qu'a un traitement que moi seul ai fait admettre contre les préjugés des médecins, et que j'ai eu administrée avec la persistance que donne la foi que j'y avais ; mais cette première maladie a démarqué une fluxion de poitrine, passée maintenant à l'état chronique, et qui cache peut-être encore elle-même une plus profonde altération. Les forces du malade épuisé par 35 jours de souffrance sont ajournées, et le mal achève de les ronger. Nous n'avons plus de médecin que Dieu et de remède que la prière. Mais c'est encore beaucoup, si ce n'est tout.

Dans un pèlerinage que nous avons fait hier qui à Pibrac au tombeau de la bienheureuse Germaine, il m'a été donné de voir un vrai miracle vivant. Mon indignité ne me permet pas d'y voir un présage. Mais que ne pouvons nous mon pas attendre de tant de saintes âmes qui prient pour nous ?

Je compte au premier chef sur celles de vos chères dames dont je sais, sans qu'elles aient <mot illisible> de me l'exprimer, toute la vive et généreuse sympathie.

Remerciez bien nos si excellents amis Bertou et Rességuier de la leur. Pour leur exprimer combien je les aime, dites-leur que je les aime autant que vous.

P.S. Les amis de la cause Pie IX attendent de vous une réponse à la brochure.

A. Nicolas

Notes

1Elizabeth Patterson (1785-1879), une américaine avait épousé en 1803 le prince Jérome Bonaparte (1784-1860). A la mort du prince Jérome (24 juin 1864), le prince Napoléon et Mme Patterson instituèrent une demande en partage. Mme Patterson réclamait sa part. L'affaire, dans laquelle Berryer était l'avocat de Mme Patterson fut jugée en cour d'appel.

Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «Ier mars 1861», correspondance-falloux [En ligne], Second Empire, Année 1852-1870, Année 1861, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES,mis à jour le : 12/08/2012