Année 1868 |
18 septembre 1868
Alfred de Falloux à Francisque de Corcelle
Bourg d'Iré, 18 septembre 1868
J'ai reçu avec une grande reconnaissance la lettre et le volume de Madame la baronne Le Guay1. Je lui réponds dans le même courrier qu'à vous, et le volume est déjà à l'étude pour un article dans L'Union de l'Ouest, confiée à un très bon appréciateur. L'Union de l'Ouest n'est pas seulement, vous le savez un journal angevin, et elle a grand nombre d'abonnés sur tous les points de France. Quant au Correspondant, vous vous y êtes fait un oiseau plus rare que moi et vous y auriez par conséquent beaucoup plus de crédit. Un mot de vous à M. Douhaire2 qui rédige la revue biographique mensuelle, obtiendrait certainement ce qui entre le moins dans les habitudes du Correspondant, c'est-à-dire la promptitude. J'ai été bien heureux aussi, mon cher ami, de vos aimables souvenirs pour le Bourg d'Iré où l'on garde toujours un vif désir de vous revoir et que l'on serait très fier de présenter à Madame de Corcelle3. Tout mon monde est en ce moment en Bretagne4, mais revient dans quelques jours, et je n'ai pas besoin de sa présence pour vous offrir des sentiments et des vœux invariablement fidèles. Vous avez bien raison de comparer notre situation générale à celle de notre cher Montalembert5 ; le rapprochement n'est que trop juste, sauf toutefois les chances de guérison. Notre courageux ami a repris la marche de sa convalescence, et notre pauvre pays me paraît se précipiter plutôt vers les rechutes, rechutes de guerres à outrance, rechutes de révolutions violentes. L'élection du Var est bien décourageante comme symptôme ; le nom de M. Dufaure était par excellence un drapeau de fermeté modérée, et il est bien inquiétant de le voir repoussé par l'aveuglement coalisé de toutes les infatuations despotiques et démagogiques6. Au milieu de tant de sujets de tristesse, je ne veux pas oublier, mon cher ami, de vous féliciter chaudement sur votre discours à Ste Barbe. Vous et le jeune Cavaignac, vous avez fait de la banale cérémonie des distributions de prix un événement mémorable7, et vous avez dû être content de vous-même, car c'était votre propre conscience et les plus nobles convictions qui dominaient ici votre modestie. Je vous ai applaudi de loin, comme l'ont fait vos auditeurs. Je suis bien charmé de le faire aujourd'hui de plus près, et de vous renouveler l'expression, trop rare à mon gré, de mon plus cordial attachement.
A. de Falloux