CECI n'est pas EXECUTE 15 juin 1874

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15 juin 1874

Anatole de Ségur à Alfred de Falloux

15 juin 1874

Cher Monsieur,

Madame Cochin m'a demandé de vous adresser directement une observation que je lui faisais au sujet de la vie d'Augustin et de la triste polémique qu'elle a soulevé dans L'Univers. Il ne s'agit pas de discussions, d'opinions mais d'un fait que vous ne me semblez pas avoir exposé avec une parfaite exactitude ; je veux parler de l'attitude de L'Univers lors des élections de 18691. En lisant ce que vous en disiez, j'avais éprouvé l'impression que cause une fausse note au milieu d'une belle harmonie. Cette impression a été confirmée par les observations que cette écrit à provoquées dans L'Univers, et par les citations de ses articles d'alors  auxquels il me semble que votre petite note insérée dans Le Correspondant du 10 juin ne répond nullement. Il en est de même de la lettre de Cochin à M. Veuillot, lettre dont les impressions et le ton sont tout à fait incompatibles avec votre appréciation, et que l'aimable bienveillance de son auteur ne suffit pas à expliquer. Je n'ai pu relire l'ensemble de la polémique de L'Univers à cette époque, mais j'ai le souvenir très certain que mes efforts près de M. Veuillot pour les engager à soutenir énergiquement la candidature de M. Cochin avaient réussi ; et que le rôle de L'Univers dans cette circonstance avait été irréprochable. Ses articles, son enthousiasme, son entraînement personnel, dicté, évidemment par la raison et la coscience et non par le cœur, étaient décidés et décisifs, sans être chaleureux, et ils me semblaient écrits dans la mesure la meilleure pour contribuer au succés de cette désirable élection. Autant, je suis blessé, atteint jusque dans mes sentiments les plus intimes, par certaines polémiques récentes de L'Univers dans lesquels le souvenir de ce cher et admirable Augustin a été rappelé, et par cette façon dédaigneuse presque méprisante, dont on y parle de ce grand esprit et de ce grand cœur, autant je regretterais de voir reproduite inexactement dans sa vie une des rares circonstances où L'Univers lui a rendu justice. J'ose donc vous prier de vouloir bien modifier en ce point votre récit dans l'édition définitive de l'ouvrage, de le rendre compatible avec la lettre de Cochin à M. Veuillot, lettre dont la bienveillance ne pouvait et ne devait pas exclure la sincérité, et de faire disparaître ainsi de cette  <deux mots illisibles> une inexactitude historique qui sera vivement relevée et dont on se servirait pour chercher à en amoindrir l'autorité.

Pardonnez-moi la témérité de ce conseil, cher Monsieur ; je n'ai pris la plume que sur la prière ardente de Macame Cochin qui m'a paru préoccupée de mes observations à ce sujet. D'après ce qu'elle m'a dit, l'attitude de L'Univers vis à vis de son mari aux élections de 1871 a été ouvertement et absolument hostile ; n'est-ce pas une raison de plus pour reconnaître cequ'elle avait eu sinon de sympathique, du moins de favorable et de juste en 1869 !Pour une fois, veuillez me pardonner et me croire toujours, cher Monsieur, votre très dévoué et très reconnaissant serviteur et ami.

A. de Ségur

Ne trouvez-vous pas que la peur de l'Empire est mauvaise conseillère, aujourd'hui comme toujours ? Le septennat, avec la <mot illisible> du parti, que représente le ministère actuel, c'est la digue contre l'Empire : la proclamation de la République en serait la préface.   

Notes

1Candidat à Paris lors des élections législatives de 1869, A. Cochin était arrivé au premier tour en seconde position derrière Jules Ferry et devant Guéroult. Au second tour, Jules Ferry l'avait emporté avec 15.730 voix contre 13. 944 à A. Cochin.

Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «15 juin 1874», correspondance-falloux [En ligne], 1874, Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES,mis à jour le : 17/05/2013