1884 |
14 août 1884
Jean-François Nadaillac à Alfred de Falloux
Rougemont, Cloyes, Eure-et-Loir, 14 août [1884]1
Je viens de lire dans le Correspondant2 votre article si éloquent et si juste et je suis heureux de voir votre plume ferme et vaillante prendre la défense de la cause sainte pour laquelle nous avons combattu toute notre vie. Vous n'avez pas écouté et vous avez eu raison, ceux qui réclamaient le silence. Le mal est grand, le désordre est dans les cœurs et dans les esprits et ceux qui dans ces dernières années ont eu à se mêler d'élections en peuvent tous témoigner. Il est heureux que la voix d'un de nos vieux chefs ait rétabli les vrais principes pour lesquels nous avons constamment combattus et pour lesquels le grand évêque est mort. Les thuriféraires de Mr le comte de Chambord mort sont aussi dangereux que les thuriféraires de Mr le comte de Chambord vivant et la monarchie chrétienne qu'une secte peu nombreuse mais remplie d'intrigue et de haine, met en avant, est une de ces utopies qui ne supportent pas la discussion mais qui paralysent tous les efforts plus intelligents. Faire de la politique, en ne tenant compte ni des faits ni des idées ni même des préjugés c'est se condamner à une éternelle stérilité.
Ce que vous dites de la Belgique m'a particulièrement frappé. J'ai présidé à Bruxelles une société scientifique avant les élections3 et j'y suis retourné depuis. Tous les catholiques éminents, tous les chefs du parti sont convaincus que si les violents leur imposent la loi, le ministère catholique sera renversé, comme il l'a déjà été. Je vous parle politique mais je veux vous dire avant tout combien j'ai été touché de l'éloquent hommage que vous rendez à ce grand et saint évêque4, l'honneur de l’Église de France. Dieu lui a épargné la plus cruelle des douleurs, celle de voir détruire tout ce qu'il aimait et cela par la faute de nos amis, plus que par le crime de ses adversaires !
Vous savez, mon cher comte, mes vieux sentiments, vous savez aussi qu'ils vous restent affectueusement dévoués.