CECI n'est pas EXECUTE 6 août 1846

Année 1846 |

6 août 1846

Charles de Montalembert à Alfred de Falloux

La Roche-en-Breny1 (Côte-d'Or), le 6 août 1846

Que Dieu soit béni, mon cher ami, je vous avoue que j'osais à peine espérer votre victoire2 en voyant la défaite de Cormenin3, de Fontette4, de Larcy, de Saint-Priest, de tant d'autres défenseurs de la liberté catholique5. Mais S.S. Pie IX vous a protégé et Dieu vous accorde le triomphe le plus légitime et le plus pur. Personne, vous le savez, j'espère, n'en jouira plus que moi car personne n'a une plus haute idée de votre cœur, de votre talent et de votre avenir. Je pense aussi à la joie de Mme de Falloux6 et je lui demande la permission de la partager tout spécialement. C'est maintenant, du reste, que vont commencer pour vous les vraies, les grandes difficultés. Je ne parle pas de celles de la tribune, je suis d'avance convaincu que vous les surmonterez et qu'elles ne serviront qu'à grandir votre rôle. Je parle de celle de votre position à la chambre. Je vous avoue tout franchement que je n'aime pas l'article de l'Union de l'Ouest sur votre élection. Il vous confisque trop au profit des royalistes et du chef éloquent de la droite. Le rôle de successeur de M. de Brézé7 n'est pas celui qui vous convient. Sapienti sat est8.

Consentirez-vous maintenant à faire partie de ce comité catholique9 que vous avez si généreusement soutenu de vos offrandes ? Ou bien votre place est-elle marquée d'avance au sein du comité légitimiste ? Je m'en inquiète pour vous comme pour nous, mais n'en serait pas moins ravi de votre succès et heureux de me sentir votre ami.

Le comte de Montalembert

Merci mille fois du mot si précieux que vous m'avez fait remettre par Mme Swetchine sur votre brochure.

 

 

1Le château de la Roche-en-Bresnil est depuis 1841 propriété du comte de Montalembert.

2Après avoir échoué, le 9 juillet 1842, comme candidat à la députation dans le collège de Segré, en Maine-et-Loire, il fut plus heureux lors des élections du 1er août 1846. Il siégea avec la droite légitimiste aux côtés de Berryer.

3Cormenin, Louis, Marie de Lahaye, vicomte de (1788-1868), avocat, homme politique et polygraphe pamphlétaire. Elu du Loiret en 1830, il siégea avec l'opposition. Sous la Monarchie de Juillet, il rejoignit l'extrême-gauche dés sa première élection, en 1834 et sera réélu jusqu'en 1846. Ayant rejoint le combat de Montalembert pour la liberté de l'enseignement, et pris la défense des Jésuites menacés par l'Université, il s'aliéna les voix républicaines et dut céder son siège aux élections de 1846. Réélu à l'Assemblée constituante, il vota avec les conservateurs. Mais devenu membre du nouveau conseil d'Etat, il démissionna de l'Assemblée le 20 avril 1849 et renonça définitivement à tout mandat politique.

4Fontette, Emmanuel Louis de (1805-1887), avocat et homme politique français. Député du Calvados en 1842, il se retira de la vie politique après son échec en 1846. Il était collaborateur du Correspondant.

5A l'occasion des élections de 1846, Montalembert avait appelé les candidats catholiques à apporter leur soutien au Comité pour la défense de la liberté religieuse. A l'issue du scrutin, l'Assemblait comportait près de 150 députés élus avec un mandat prècis de revendiquer la liberté religieuse.

6Marie Charlotte Rosalie de Falloux, née de Caradeuc (1821-1877), arrière petite-fille de Louis-René Caradeuc de La Chalotais (1701-1788), procureur général du Palement de Bretagne.

7Dreux-Brézé, Scipion de, marquis (1793-1845), militaire et homme politique. Après avoir servi comme officier dans les dernières guerres de l'Empire, il était entré dans les cuirassiers de la garde de Louis XVIII puis s'était retiré en 1827 avec le grade de Lieutenant-colonel. Héritier de la pairie de son père (Henry-Evrard), il continua à siéger à la Chambre des Pairs après la révolution de 1830, où il se fit l'ardent défenseur de la cause légitimiste.

8Expression latine signifiant « C'en est assez pour le sage », autrement dit, « A bon entendeur... »

9Quelques jours plus tard, le Comité comptera A. de Falloux parmi ses nouvelles recrues.

Notes

1Le château de la Roche-en-Bresnil est depuis 1841 propriété du comte de Montalembert.
2Après avoir échoué, le 9 juillet 1842, comme candidat à la députation dans le collège de Segré, en Maine-et-Loire, il fut plus heureux lors des élections du 1er août 1846. Il siégea avec la droite légitimiste aux côtés de  Berryer.
3Cormenin, Louis, Marie de Lahaye, vicomte de (1788-1868), avocat, homme politique et polygraphe pamphlétaire. Elu du Loiret en 1830, il siégea avec l'opposition. Sous la Monarchie de Juillet, il rejoignit l'extrême-gauche dés sa première élection, en 1834 et sera réélu jusqu'en 1846. Ayant rejoint le combat de Montalembert pour la liberté de l'enseignement, et pris la défense des Jésuites menacés par l'Université, il s'aliéna les voix républicaines et dut céder son siège aux élections de 1846. Réélu à l'Assemblée constituante, il vota avec les conservateurs. Mais devenu membre du nouveau conseil d'Etat, il démissionna de l'Assemblée le 20 avril 1849 et renonça définitivement à tout mandat politique.
4Fontette, Emmanuel Louis de (1805-1887), avocat et homme politique français. Député du Calvados en 1842, il se retira de la vie politique après son échec en 1846. Il était collaborateur du Correspondant.
5A l'occasion des élections de 1846, Montalembert avait appelé les candidats catholiques à apporter leur soutien au Comité pour la défense de la liberté religieuse. A l'issue du scrutin, l'Assemblait comportait près de 150 députés élus avec un mandat prècis de revendiquer la liberté religieuse.  
6Marie Charlotte Rosalie de Falloux, née de Caradeuc (1821-1877), arrière petite-fille de Louis-René Caradeuc de La Chalotais (1701-1788), procureur général du Palement de Bretagne.
7Dreux-Brézé, Scipion de, marquis (1793-1845), militaire et homme politique.  Après avoir servi comme officier dans les dernières guerres de l'Empire, il était entré dans les cuirassiers de la garde de Louis XVIII puis s'était retiré en 1827 avec le grade de Lieutenant-colonel. Héritier de la pairie de son père (Henry-Evrard), il continua à siéger à la Chambre des Pairs après la révolution de 1830, où il se fit l'ardent défenseur de la cause légitimiste.   
8Expression latine signifiant « C'en est assez pour le sage », autrement dit, « A bon entendeur... »
9Quelques jours plus tard, le Comité comptera A. de Falloux parmi ses nouvelles recrues.

Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «6 août 1846», correspondance-falloux [En ligne], Monarchie de Juillet, Années 1837-1848, Année 1846, CORRESPONDANCES, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES,mis à jour le : 01/11/2022