Année 1861 |
21 décembre 1861
Alfred de Falloux à Pierre-Antoine Berryer
Dimanche, 21 décembre 18611
Mon bien cher ami, Hilaire de Lacombe que j'ai vu hier au soir ne m'ayant pas parlé du départ de son frère2, je crains que le voyage n'ait pas lieu, et à tout hasard je vais répondre en deux mots à la question que vous me posez. L'expression du sentiment de nos amis sur la brochure3 du duc d'Aumale a été très différente de vivacité et de forme, mais le sentiment lui-même a été à peu près unanime. Les orléanistes eux-mêmes, sauf le petit nombre antifusionniste prononcés n'ont point déguisé des regrets et un blâme. Pour mon propre compte, je suis bien disposé à ne pas m'en prendre à un mot ou à une page en particulier mais je demeure très affligé du résultat général de la lecture. Même au point de vue de l'attaque contre l'Empire, je trouve que la note principale devait être : union entre tous les bourboniens, et c'est précisément la note contraire qu'on discerne plus ou moins clairement sous chaque phrase. Je ne dis qu'à très voix basse tout ce que j'en pense, parce que je sens trop vivement, hélas ! comme vous que la place mal occupée ne l'est ainsi que parce qu'elle n'a pas été prise d'avance par celui, qui y avait le premier droit4 ; seulement cette pensée double mon chagrin et mon inquiétude pour l'avenir. Je suis donc un peu consolé par la phrase que vous avez écrite, et je vous en remercie mille fois, bien chère ami ! Quant au gros du public et à l'armée, on m'assure que la brochure réussit complètement et se passe avidement de main en main.
Je ne vous ai pas parlé de ma santé parce que, comme de tant d'autres choses, je n'ai rien de bon à vous en dire. Je n'ai pas eu moins de deux crises cette semaine ; je vais donc comme l'Europe, l'Asie, l'Afrique et l'Amérique, c'est-à-dire de mal en pis. Merci, merci encore ; à vous de tout cœur.
Alfred de Falloux.