Année 1860 |
30 mai 1860
Prosper Guéranger à Alfred de Falloux
Abbaye de Solesme, le 30 mai 1860
Mon très cher ami,
Enfin, je vous envoie le second et dernier cahier des lettres de Mme Swetchine1. Le retard n'a pas été volontaire ; j'ai d'abord été fort souffrant ; je ne suis rétabli que depuis quinze jours, et le temps m'avait manqué jusqu'à cette heure pour réviser le manuscrit. Vous êtes donc maintenant en possession, par ses lettres d'un grand nombre de traits inédits de la grande et sainte âme qui nous a quittés pour s'en aller à Dieu. Ainsi que je vous le disais, j'ai regretté qu'il y eut tant de choses qui me sont trop élogieuses ; mais je n'aurais pu en retrancher davantage sans enlever la physionomie à cette correspondance tant intime. Ce qui fait vraiment son prix à mes yeux, ce sont ces épanchements qui révèlent la sublime perfection de sa vertu : vous avez la Mme Swetchine peinte par elle-même sous un aspect qu'elle montrait rarement. Enfin, mon cher ami, ces copies sont à vous. Insérez-les, si vous voulez, en leur ordre chronologique, dans la correspondance générale, et servez-vous en pour le récit dans une troisième édition de sa Vie.
Je pense donner vers dimanche prochain un second article dans le Monde sur Saint-Louis. Celui qui suivra sera sur votre publication. Les quinze jours que mon indisposition m'a fait perdre mon retardé contre mon gré.
Vous aurez trouvé dans le premier cahier la belle lettre du comte de Maistre2. Quant aux notes explicatives que j'ai mises à la fin du cahier, je les crois nécessaires comme éclaircissements à certains passages, et elles sont d'ailleurs très courtes. Vous me parlez, mon cher ami, de ma propre correspondance avec Mme Swetchine, et vous vous proposez, de me l'envoyer. Je serais heureux de la recevoir ; mais qu'entend donner des fragment dans votre recueil, j'y verrai peux davantage est un véritable inconvénient ; car d'un côté, les lettres de Mme Swetchine valent par elle-même, comme celle de Mme de Sévigné, sans que l'on sente le besoin d'avoir les réponses ; et de l'autre, si vous entriez dans cette voie, les deux volumes ne suffiraient plus ; il en faudrait bien davantage.
Excusez, je vous prie, mon cher ami, mais nouveau retard, et recevez la nouvelle expression de mon sincère et cordial dévouement.
fr. Prosper Guéranger, abbé de Solesmes