CECI n'est pas EXECUTE 11 janvier 1864

Année 1864 |

11 janvier 1864

Paul de Noailles à Alfred de Falloux

Paris, 11 janvier 1864

Mon cher confrère j'aurais répondu plutôt à votre consultation académique, si je n'avais été souffrant tout ces jours-ci. Mais ce retard ne me donnera pas le moyen d'y répondre de manière plus positive et plus clair. Je me trouverais plus embarrassé que personne dans la concurrence qui s'élève car j'ai aussi de certains engagements avec M. de Lavergne1, attendu que de concert avec l'évêque d'Orléans, j'ai été l'engagé à se mettre sur les rangs, pour obtenir par son moyen, que M. Guizot le détachat de M. Littré2, en l'exposant toutefois un échec, ceux à quoi il a parfaitement consenti ; lorsque que quand nous nous sommes réunis, M. Guizot a demandé que le candidat fut M. de Carné3, auquel personne ne pensait, à cause de ses échecs successifs, et qui n'y pensait pas lui-même. M. de Lavergne s'est alors retiré. Il se présente aujourd'hui. M. Guizot l'appuie, promettant la voix à M. Autran4 pour une autre fois. D'autres voix également, les deux Broglie5, M. Villemain, et autres. Il croit pouvoir compter, m'a-t-il dit, sur 14 voix. On se fait souvent illusion. Mais en même temps, il m'a dit aussi que si on pouvait constater que M. Autran dut avoir réellement plus de voix que lui, il se retirerait pour ne pas rompre la majorité. L'évêque d'Orléans lui a écrit une lettre on ne peut plus engageante sans cependant s'engager formellement. Les choses en sont là. M. Guizot n'est pas encore de retour, il ne revient que le 15. Je n'ai donc pas causé encore de tout cela avec lui ; puis, chacun est de son côté ; vous chez vous, Montalembert chez lui, l'évêque d'Orléans à Rome ; il est impossible de traiter d'une manière un peu profitable une pareille question. Il faudra ou que M. de Lavergne ou que M. Autran se retire. Nous reculerons l'élection, mais il faudrait que nous puissions nous voir. Je ne sais à quelle époque M. de Montalembert compte revenir. Veuillez, mon cher confrère, agréer avec le regret de ne pas vous éclairer davantage l'assurance de tous mes sentiments bien affectueux et bien dévoués.

Noailles

Notes

1Candidat soutenu par F. Guizot auquel il était lié depuis son entrée comme directeur de cabinet du ministre de l'Intérieur (Rémusat) dans le gouvernement Guizot, Léonce de Lavergne ne sera en définitive jamais élu à l'Académie française. Lavergne, Léonce Louis Gabriel Guilhaud de (1809-1880), économiste, homme politique et homme de lettres. Après avoir entamé une carrière de rédacteur à la Revue du Midi et au Journal de Toulouse, il était entré au Conseil d’État (1842).  Élu du Gers de 1846 à 1848, il sera réélu député de la Creuse à l'Assemblée nationale en 1871, siégeant avec le centre-droit. Il sera nommé sénateur inamovible en 1875.
2Émile Maximilien Paul Littré (1801-1881), lexicographe, philosophe et homme politique. Célèbre pour son Dictionnaire de la langue française, sa candidature en 1963 fut âprement combattue par Mgr Dupanloup qui lui reprochait son athéisme. Il sera néanmoins élu le 30 décembre 1871, ce qui aménera Mgr Dupanloup à donner sa démission en signe de protestation.
3Carné, Louis Joseph Marcein comte de (1804-1876), historien et journaliste  légitimiste ; attaché et secrétaire d'ambassade sous la Restauration ; il s’était rallié à la Monarchie de Juillet. Il fut un de ceux qui collaborèrent au Correspondant dés sa fondation.. Député du Finistère (collège de Quimper) de 1839 à 1848, il appartint au Parti social de Lamartine, puis défendit les intérêts catholiques. Sous le Second Empire, il collabora au nouveau Correspondant, au Journal des Débats, à la Revue des Deux Mondes et à la Revue Européenne. Il entra à l’Académie le 23 avril 1863.
4Autran, Joseph (1813-1877), poète français. Plusieurs fois candidat à l’Académie française, il était soutenu par les catholiques, son ami V. de Laprade, Thiers et Mignet mais combattu par Guizot et les libéraux, le Journal des Débats et la Revue des Deux-Mondes. Contraint de se retirer devant Octave Feuillet en 1862, il ne sera élu que le 7 mai 1868, en même temps que Claude Bernard.

Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «11 janvier 1864», correspondance-falloux [En ligne], BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Second Empire, Année 1852-1870, Année 1864,mis à jour le : 11/01/2012