CECI n'est pas EXECUTE 11 août 1868

Année 1868 |

11 août 1868

Pierre-Antoine Berryer à Charles de Lacombe

11 août 1868

Mon cher Monsieur de Lacombe

Pardonnez-moi de n'avoir point répondu plus tôt à votre excellente lettre. Elle m'est parvenue fort tard à travers les excursions qu'en ces derniers temps j'ai faites en divers lieux. C'est avant hier seulement que j'ai pu lire l'article que vous avez inséré le 11 de ce mois dans l'Indépendant du centre1. Je vous félicite bien d'avoir accordé à ce journal votre utile collaboration. Vous étiez bien certain d'avance que j'applaudirais à votre loyale résolution. Laissons dire à quelques esprits aveuglément exclusifs, s'ils ne sont pas follement égoïstes, que l'union électorale est une duperie, et qu'elle est défendue d'une piteuse manière. J'ai lu ce mot dans le journal de M. de Riancey2, au moment où il fallait recevoir une sérieuse réfutation par le succès électoral obtenu par M. Grévy3 grâce au concours intelligent de nos amis politiques. L'accord des hommes de bonne foi, amis de l'ordre et de la liberté, est pour tous un devoir impérieux dans la déplorable situation des vrais intérêts de la France au-dedans et au-dehors. Ces intérêts sont fatalement compromis par les extravagances et les calculs égoïstes et corrupteurs du gouvernement personnel, après tant de révolutions que notre malheureux pays a traversées depuis le commencement de ce siècle, après l'épuisement et la chute du gouvernement, qui se sont succédé comme des expédiens [sic] sans garantie de durée, sans conditions réelles de stabilité. Il est impossible de prévoir ce que sera la forme et la nature du gouvernement qui sortira d'une crise nouvelle ; tout est possible, mais quelle que soit la forme de gouvernement qui triomphe en des jours d'orage, ce gouvernement ne pourra vivre qu'à la condition d'accepter, de consacrer les libertés publiques, de les maintenir loyalement. Le régime constitutionnel sera la loi et la condition vitale de l'avenir. Empire, royauté, république, ne pourront, si ce n'est s'établir, du moins subsister quelque temps avec honneur, qu'en assurant au pays, dans la libre action de députés régulièrement et librement élus, le self-government. Que tous ceux donc qui veulent de bonne foi et avec intelligence cet ordre de libertés pour tous, en fassent la principale de leurs préoccupations, et l'objet commun de leurs efforts, quels que soient le mode et a nature de la constitution du pouvoir exécutif, desquels ils peuvent attendre le plus de garanties du maintien des libertés publiques. Poursuivez ce but, mon cher de Lacombe ; nos efforts pour l'atteindre, en nous dégageant de l'esprit de rancune, de nos préjugés, de nos préventions, en efforts actifs et sincères, seront l'accomplissement d'un grand et sévère devoir envers la patrie, dont nous nous sommes appliqués, sous tous les régimes que nous avons désirés ou subis, à servir les véritables et permanents intérêts. Recevez mes bien affectueux compliments, et croyez à la cordiale amitié qui m'attache à vous et à votre frère.

Berryer

Notes

1Journal que venait (22 juillet 1868) de fonder Charles de Lacombe à Clermont-Ferrand.
2L'Ami de la religion dont H. de Riancey est le rédacteur en chef.
3Jules Grévy avait été élu le 16 avril 1868 au Corps législatif à l'occasion d'une élection partielle dans le Jura.

Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «11 août 1868», correspondance-falloux [En ligne], BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Second Empire, Année 1852-1870, Année 1868,mis à jour le : 17/01/2012