Lundi 31 mai 1869
Cher confrère,
Rien ne me serait plus doux que d'aller me reposer près de vous de notre laborieuse et stérile campagne, mais je suis déjà repris par l'engrenage de Paris et par la nécessité du travail. Je n'irai à Nantes qu'après le ballottage voir et remercier quelques personnes ; puis je reprendrai ma fille qui est à Varades1 et je serai forcé de revenir aussitôt à Paris. J'ai bien peur qu'à Nantes le gouvernement ne l'emporte et malgré l'apparente victoire de M. Guépin2 la vérité qu'il n'est pas un candidat acceptable pour l'Union libérale3 prévaudra contre lui car il échouera faute des voix de M. de Lareinty4 et des miennes que j'essaie inutilement de lui transférer5. Et vous cher confrère ? M. Martineau m'avait fait espérer que vous prendriez la place de M. Keller6 en Vendée7 puisqu'il est élu ailleurs. Mais je vois que votre dégoût égale le mien, et à vrai dire, il y a, pour mettre fin à ce triste régime, une besogne à faire qui n'est pas la nôtre ; l'instinct populaire a peut-être raison de nous écarter et de nous réserver pour les temps qui devront suivre. A vous de cœur.
P. Paradol
Notes
Commune de Loire-Atlantique.
Guépin, Ange Marie François (1805-1873), médecin, écrivain et homme politique. Républicain et socialiste, il joua un rôle politique et social important à Nantes. Commissaire du gouvernement provisoire pour le département de Loire-Atlantique en février 1848, il fut nommé préfet de ce même département le 4 septembre 1870. Démissionnaire, un mois plus tard, il apportera son soutien aux idées de la Commune et proteste contre la répression sanglante des insurgés. Il participera aux côtés de Victor Hugo à la Ligue de la Paix et de la Liberté, organisation qui lutte en faveur des États unis d'Europe.
Formée à l'occasion des élections législatives de 1863, l'Union libérale regroupait les légitimistes libéraux tels que Berryer et les orléanistes, avec Thiers. Ce rapprochement permit aux uns et autres de faire entrer l'un des leurs au Corps législatif.
Lareinty Henri Clément Gustave Baillardel, baron de (1824-1901), militaire et homme politique. Monarchiste et catholique, il échoua aux élections législatives de 1869 mais parvint à se faire élire au sénat en 1876. Il y siégera continuellement jusqu'à sa mort.
Candidat dans la 2ème circonscription de Loire-Atlantique aux élections législatives du 23 mai 1869, A. Prévost-Paradol avait été devancé, comme le baron de Lareinty, par Ange Guépin, candidat de l'opposition démocratique et par Émile Gaudin, candidat favorable au gouvernement. Exclu du second tour, A. Prévost-Paradol avait appelé à voter contre le candidat « impérialiste ». En vain, celui-ci l'ayant emporté contre son adversaire, A. Guépin.
Devenu l'un des principaux orateurs du parti « clérical » suite aux affaires d'Italie, bénéficiant du soutien de l'Union libérale, E. Keller avait retrouvé son siège du Haut-Rhin lors des élections de 1869.
Falloux se porta effectivement candidat en Vendée, dans la circonscription des Sables d'Olonne. Ayant renoncé à se déplacer dans cette circonscription en raison de ses ennuis de santé, vivement combattu par l'administration locale, Falloux échouera une nouvelle fois. Il obtiendra malgré tout un score plus qu'honorable, 12.250 suffrages, s'inclinant de quelques centaines de voix à peine face à son concurrent qui l'emporta avec 12.757 voix.
Notice bibliographique
Pour citer ce document
, «31 mai 1869», correspondance-falloux [En ligne], BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Second Empire, Année 1852-1870, Année 1869,mis à jour le : 01/04/2013
