CECI n'est pas EXECUTE 19 avril 1870

Année 1870 |

19 avril 1870

Auguste Nicolas à Marie de Falloux

Paris, 19 avril 1870

Bien chère et honorée Madame,

Toutes les fois qu'un événement important allié dans ma famille, et que mon cœur, trop faible pour le porter, cherche d'autres cœurs assez généreux pour s'y intéresser et en partager avec moi la fortune toujours plus ou moins problématique, c'est au Bourg d'Iré que je suis sûr de les trouver, avec une sympathie à laquelle je dois répondre plutôt que je n'ai besoin de la solliciter. À ce titre, je viens vous faire part du mariage de l'un de nos enfants. C'est de l'aîné mes fils dans le monde, qui s'appelle Étienne, qui a 25 ans, qui est ingénieur civil dans une grande compagnie de conduite d'eau dont le siège est à Paris, et qui épouse une jeune fille de 22 ans que tout me signale comme une perle de grâce virginale, et qui est fille d'un négociant d'Orléans, doublement recommandable et par la laborieuse honnêteté avec laquelle il a gagné sa fortune, et par le charitable emploi qu'il en fait. Ce mariage paraît avoir été dirigé par la providence et c'est le bon M. Lavedan qui en a été l'Elézier1. Il doit être célébré à Orléans le 2 mai prochain. Le nom de notre future belle-fille et Marthe Bigot. Mais j'ai trop l'expérience de la fragilité des établissements humains, et les épreuves certaines qui se cachent sous les plus flatteuses apparences, pour ne pas entourer avec sollicitude celui-ci de toutes les garanties supérieures dont la foi nous ouvre les trésors ; et c'est à la votre surtout, à votre piété et à votre charité que je viens les demander. Je recommande ce cher intérêt à vos prières, à vos intentions, permettez-moi de dire à vos mérites et à vos épreuves. Vous êtes trop aimée de Dieu pour ne pas en avoir, et pour ne pas attirer sur ce ménage naissant, sinon leur exemption, du moins la résignation et la force pour les supporter et pour s'y sanctifier. C'est à cela en effet qu'il faut se préparer, sous quelque dehors que la vie se présente. Ce sera toujours un combat, pour lequel il faut s'armer, et où on ne peut vaincre que par la patience. C'est là tout à la fois la tristesse et la noblesse de notre condition que doit dominer la confiance et l'espérance. Je n'aurais pas le droit de parler ce langage ; mais je vous l'emprunte en quelque sorte pour m'élever jusqu'à votre âme, et en mieux obtenir les pieux secours que je sollicite.

Veuillez y faire concourir Mme de Caradeuc, qui a toujours été si bonne pour nous, votre cher mari si riche d'épreuves, et Mlle Loyde qui s'associe si gracieusement à tous vos bons sentiments pour nous. Agréez en retour, chère et vénérée Madame, au nom de nous tous et pour vous tous nos plus profondes tendresses et nos plus dévoués respect.

A. Nicolas

Voudriez-vous bien dire à M. de Falloux, que mon article sur de Sèze2, auquel je sais qu'il a bien voulu s'intéresser ne représente tout compte fait, que 46 à 48 pages d'impression, et qu'il faudrait qu'il parût en une seule fois et pas plus tard que le 10 mai. Je l'ai communiqué à M. Lavedan. Un mot de lui à celui-ci, communiqué au conseil du 22, pourrait décider en ce sens la publication. Je lui en serais bien reconnaissant.

Notes

1Personnage de la Bible, Éliézer est le principal serviteur d'Abraham. Il avait été chargé par son maître d'aller chercher une épouse par son  fils.
2Le Correspondant publiera la notice biographique sur son ami décédé le 23 janvier 1870, Jean-Pierre Aurélien de Sèze (1799-1870). Avocat et homme politique, il avait été membre de l'Assemblée constituante et de la Législative où il avait voté avec la droite monarchiste.

Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «19 avril 1870», correspondance-falloux [En ligne], BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Second Empire, Année 1852-1870, Année 1870,mis à jour le : 10/03/2014