CECI n'est pas EXECUTE 26 janvier 1882

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26 janvier 1882

Alfred de Falloux à Couvreux (abbé)

26 janvier 1882*

Cher Monsieur l’abbé,

Je suis fort en retard avec vous. Commençons donc par ordre d’ancienneté. Pourquoi la Semaine religieuse de Tours a-t-elle refusé ainsi petit service que de reproduire un article tout fait ? Si Orléans se montrent plus hospitaliers, Monsieur l’abbé Chapon aura-t-il la bonté de m’envoyer le numéro, pour que je puisse le transmettre au pauvre M. Kerbia ?

Pourquoi le comité Dupanloup, qui n’a pas d’argent, puisqu’il ne paye pas Monsieur Chapu, fait-il semblant d’en avoir ?

J’ignore pourquoi le Correspondant s’est tu sur le comte Conestabile, mais, généralement plus charitable que Rochecotte, je suppose, que cela tient à l’absence de M. Lavedan, qui se proposait de rapporter de Rome une appréciation nécrologique mieux renseignée et mieux sentie ; du restes je n’ai plus aucune responsabilité dans le Correspondant et je suis à, à chaque instant affligé tantôt par ce qu’on y met, tantôt parce qu’on n’y met pas. Comme je reconnais le surnaturel dans tout ce qui se passe chez les prétendus honnête gens, je me soumets et je me tais.

C’est ce que je fais aussi devant le Journal de Rome. Je n’excuse nullement le baron d’Yvoire1, auquel j’ai bien fini par répondre évasivement et amicalement. Je ne me refuse jamais à la résignation ; je ne me refuse qu’au mensonge. Je supprime volontiers ma pensée, mais je le dis jamais le contraire. Quant à déplacer la question dans ma dernière lettre à Madame de C[astellane] je l’ai si peu fait que je la retrouve dans votre propre billet d’hier. Si la question est, selon vous, de retenir Monsieur d’Yvoire pour le bien du Journal de Rome et les catholiques, il faut savoir d’abord si M. d’Yvoire y a fait depuis deux mois et laissé faire du bien ou du mal. Si depuis deux mois, le Journal de Rome a été toujours dangereux et souvent ridicule, quel bénéficie y a-t-il à prendre feu pour prolonger ce danger et cette mauvaise plaisanterie ?

Quel bénéficie y-a-t-il à entretenir Léon XIII dans le goût des intrigants et des hommes tarés que lui a légué Pie IX, et quand un honnête homme dirait une fois par hasard : je ne veux pas couvrir ces besognes-là d’un nom honorable, où serait le mal ?

En attendant,, cher Monsieur l’abbé, que vous et Madame de C[astellane] me disiez si vous trouvez, cette fois,en la question bien posée, je vous envoie une caricature, que Rossi2 m’expédie de Rome. La façon dont Bismarck3 reçoit le portrait du bienheureux Labu et l’attitude engageante de Léon XIII me parait, hélas ! bien saisie dans le vrai.

Que devient le malheureux abbé Bernard4 ? Je le cherche en vain dans toutes les promotions de l’archevêché.

Les dispositions ambitieuses que vous m’avez révélées dans le caractère de Biche5 ne sont-elles point favorisées et surexcitées par le titre de membre honoraire du comice de Segré? S’il en est ainsi dites le moi afin que je m’arrête aussitôt. Soignez vous soigner tous !

 

 

*Archives nationales. Fonds Castellane.

1Yvoire, François Bouvier baron d' (1834-1918), journaliste et homme politique. Entré en contact avec Mgr Dupanloup dés 1863, il devint un de ses proches et accepta sur ses instances, de diriger le Journal des Villes et des Campagnes en 1867 mais renonça quelques mois plus tard. Originaire de Haute-Savoie, il se présenta en 1869 contre le candidat officiel de ce département et fut élu avec les voix de Jules Favre qui s'était désisté en sa faveur. Militant de l'opposition libérale, il accueillait souvent Mgr Dupanloup à Yvoire. Candidat malheureux sous la République, il revint au journalisme, prenant, en mai 1876 la direction de La Défense, le journal de l'évêque d'Orléans. Deux ans plus tard, il quitte la direction du journal et se rend à Rome, où il se verra confier la rédaction du Journal de Rome fondé par le comte Conestabile pour soutenir l'action de Léon XIII. Revenu quelques mois plus tard en Savoie, il se rapprochera du comte de Paris et accueillera favorablement le Ralliement.

2Rossi, Alessandro (1818-1898), industriel et homme politique italien. Monarchiste et catholique, il fut élu député en 1866 puis sénateur quatre ans plus tard.

3Bismarck, Otto Eduard Leopold von (1815-1898), homme d'état allemand. Il devint le premier chancelier (1871-1890) de l'Empire allemand.

4Eugène Bernard (1833-1893).

5Castellane, Stanislas de (1875-1959), dit « Biche », petit-fils de Pauline de Castellane.

Notes

1Chapon, Henri-Louis (1845-1925), ecclésiastique. Ordonné prêtre le 22 mai 1869 par Mgr Dupanloup, il sera vicaire général et chanoine honoraire de Nantes (1894) puis nommé évêque de Nice en 1896.
2Conestabile della Staffa, Carlo, comte de (1824-1885), proche collaborateur de Léon XIII, informateur précieux pour les catholiques libéraux auxquels il était lié d'amitié, il était mort le 30 décembre 1881.
3Léon Lavedan s'apprêtait alors à faire un voyage à Rome.
4Yvoire, François Bouvier baron d' (1834-1918), journaliste et homme politique. Entré en contact avec Mgr Dupanloup dés 1863, il devint un de ses proches et accepta sur ses instances, de diriger le Journal des Villes et des Campagnes en 1867 mais renonça quelques mois plus tard. Originaire de Haute-Savoie, il se présenta en 1869 contre le candidat officiel de ce département et fut élu avec les voix de Jules Favre qui s'était désisté en sa faveur. Militant de l'opposition libérale, il accueillait souvent Mgr Dupanloup à Yvoire. Candidat malheureux sous la République, il revint au journalisme, prenant, en mai 1876 la direction de La Défense, le journal de l'évêque d'Orléans. Deux ans plus tard, il quitte la direction du journal et se rend à Rome, où il se verra confier la rédaction du Journal de Rome fondé par le comte Conestabile pour soutenir l'action de Léon XIII. Revenu quelques mois plus tard en Savoie, il se rapprochera du comte de Paris et accueillera favorablement le Ralliement.
5Rossi, Alessandro (1818-1898), industriel et homme politique italien. Monarchiste et catholique, il fut élu député en 1866  puis sénateur quatre ans plus tard.
6Bismarck, Otto Eduard Leopold von (1815-1898), homme d'état allemand. Il devint le premier chancelier (1871-1890) de l'Empire allemand.  
7François-Joseph Labre (1748-1783), pèlerin. Ayant, en vain, tenté, à plusieurs reprises, d'entrer en religion, il choisit une vie de mendiant et de pèlerin, allant de sanctuaire en sanctuaire, ce qui lui vaudra d'être surnommé le « Vagabond de Dieu ». Devenu membre du tiers-ordre franciscain, il se rendit à Rome en 1878 où il séjournera jusqu'à sa mort. Benoît Saint-Labre avait été canonisé le 8 décembre 1881.
8Bernard Eugène (1833-1893), ecclésiastique. Pressenti pour entrer au Correspondant, sa candidature avait finalement été rejeté.

Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «26 janvier 1882», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, 1882, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES,mis à jour le : 05/01/2023