1885 |
8 mai 1885
Alfred de Falloux à Couvreux (abbé)
8 mai 1885
Cher Monsieur l'abbé,
Il me sera impossible d'assister à vos deux soirées qui vont tant fatiguer Mme de Castellane et que je regrette peu car là, j'aurais vu très mal les deux fiancés qui sont le but de mon voyage et de mon désir impatient mais je ne manquerai certainement pas d'arriver avant la date que vous m'assignez comme dernière limite. Si vous pouviez la retarder un peu pendant que je serai à Angers, vous rendriez un vrai service à plusieurs affaires et je vous en fais un devoir de conscience, ainsi qu'à Mme de Castellane un devoir d'amitié. Si les Radziwill1 et comte Potocki2 demeurent immuables dans leur résolution, je leur sacrifierai tout pour vous arriver le samedi 16. Je pars demain du Bourg d'Iré et je resterai pas l'impasse des jacobines jusqu'au jeudi inclusivement. Le vendre dit, je partirai pour tous les samedis pour Paris, mais sachez que si vous pouviez me laisser à Angers jusqu'au 19 inclusivement, vous me feriez grand plaisir, car vous me permettriez d'assister au mariage de Melle de Romans3 pour qui Mme de C. connaît mon attachement héréditaire et qui va devenir ma très proche voisine du Bourg d'Iré, en épousant ce jour-là Ivan du Doré4 fils d'une d'Andigné de la Blanchaye5 et demeurant à la Chetardière, dont Mme de C. se rappelle peut-être la situation entre la Blanchaye et Segré6. Si vous m'accordiez ce délai, vous m'accorderiez ce qui est bien rare en ce monde, la satisfaction de pouvoir mettre d'accord deux sentiments également vrais et également profonds. Ceci dit, je suis prêt à vous obéir. Merci mille fois de tous les soins que vous avez bien voulu donner à mon petit livre. Veuillez maintenant le remettre d'avance à Bertha, car je ne voudrais pas avoir l'air de renoncer à son souvenir, ni a celui de son mari, d'ici à mon arrivée tardive. En même temps que votre lettre qui me disait déjà toute les alarmes causées par l'état de Mme de Montalembert7, j'ai reçu une lettre détaillée de Mme Cochin8 et je viens de l'en remercier vivement tout à l'heure. Cette perte serait le complément et l’achèvement d'un malheur qui m'est toujours resté aussi sensible et aussi présent qu'au premier jour. J'espère que Dieu nous l'épargnera et personne parmi les plus fidèles amis ne le demandera d'un cœur plus ému que le mien. Qu'est-ce qu'il y a de vrai aussi dans une maladie de la duchesse de Galliera9 qu'annonçait hier le Français et pouvons-nous du moins comme il semble le permettre, être affranchis de toute inquiétude de ce côté. Connaissez-vous P. Amédée de Bourmont10 qui vient de m'écrire lui-même pour m'annoncer son prochain mariage avec votre voisine, Melle de Quatrebarbes11. C'est un très gentil petit jeune homme, très studieux et très brillant élève de l'école des Chartes. C'est aussi une affection et des souvenirs héréditaires qui nous rattachent l'un à l'autre, et je serai bien heureux de le retrouver en allant à Rochecotte. Pourriez-vous me redire le numéro de Canisy dans la rue de la Marmaillette. Je serai bien tenté de leur faire une visite entre deux trains en gagnant Tours. Veuillez répondre à Angers où j'arriverai si Dieu le permet et, demain pour dîner.
A. de F.
