1883 |
5 mars 1883
Albert de Rességuier à Alfred de Falloux
Paris, 5 mars 1883
Cher ami,
Il m'en coûtait bien de ne pas aller vous joindre quand vous étiez bien portant il m'en coûte mille fois plus, de ne pas aller vous soigner aujourd'hui que vous êtes souffrant, et la visite que Mme Antoine de Castellane1 vous a faite me rend férocement jaloux. Je ne bouge pas cependant, parce que je prends à la lettre la défense que vous me faites par l'intermédiaire de M. André2. Laissez moi, seulement, vous redire que je n'ai aucun empêchement de la part de mes filles, auxquelles je ne suis nullement utile, en ce moment ni de la part de ma santé qui ne réclame aucun soin que je ne puisse aussi bien lui donner à Angers qu'ici. - Je ne suis arrêté que par la seule pensée que vous préférez qu'il en soit ainsi. Si je me trompe, c'est vous qui me trompez et, dans ce cas, je vous fais un cas de conscience de me détromper. - Le duc de Broglie m'a fait demander, hier, s'il y avait indiscrétion à vous écrire et j'ai cru devoir lui répondre que vous seriez, certainement, charmé d'avoir directement , de vos nouvelles. On trouve, généralement que les Princes3 ont tort d'être aussi muets qu'ils le sont devant le grand courant d'opinion qui se faisait en leur faveur. On dit beaucoup que leur silence arrête ce courant et glace les courages qui ne demandaient qu'à se mettre à leur service. D'autre part on signale les progrès du bonapartisme et on annonce un nouveau manifeste du Prince Napoléon4. Je remercie encore M. André de ses bulletins et j'en sollicite la continuation jusqu'à votre complet rétablissement.
Mille millions de tendresses.
Al.
Je suis allé ce matin au Bois de Boulogne où la consigne est plus que jamais de se taire et de se faire oublier. Je sais que c'est aussi celle de tous les frères et du neveu.