Année 1858 |
3 novembre 1858
Alfred de Falloux à Marie de Falloux
3 novembre 1858
Chère Marie,
Après avoir bien fait notre Toussaint au village, et avoir suivi un office des Morts bien touchant ici, je viens de découvrir un jubilé qui se fait tout exprès pour moi à Lombez1. Il a commencé hier et va durer trois semaines Lombez est à peine à une lieue distance ce qui n'est rien par ce temps magnifique, et que je ferai, les trois fois nécessaires, avec Paul2 qui se trouvait dans le même cas que moi. Voilà donc encore un motif de sécurité que vous pouvez ajouter à la persévérance des bons résultats d'Ussat3. Je continue, il est vrai, à m'abstenir vigoureusement de toute dictée ou de toute autre application directe, mais j'écoute des lectures, je fais beaucoup d'exercice, je me lève plus matin, je sors par tous les temps, et de tout cela, il n'est pas encore résulté une seule crise. Mes nuits sont en moyenne très supérieures à tout ce que j'en ai eu depuis deux ans. Je ne sais encore, pour le Correspondant, rien au-delà du peu que m'écrivait M. Douhaire4. Cochin m'écrit quelques lignes, mais d'Anjou. Il se rend à Paris en toute hâte. J'ai écrit à Montalembert dés le premier jour5. Si ce n'était sa santé j'en prendrais bien mon parti. En attendant, ce n'est pas cela qui rendra plus belle l'affaire de l'évêque de Rennes6. Je ne veux pas viser pour cela à détrôner l'archevêque de Tours7 qui est si bien à sa place, et quand je le verrai je lui demanderai comment concilier le respect dû au caractère sans prêter à aucun malentendu sur la personne. Si de votre côté vous le trouvez avant lui, faites-moi part du secret. Je ne puis non plus penser sans rire à l'embarras de Séré8 que je voyais d'avance. C'est même pour cela que je n'ai adressé ma lettre à aucun autre que lui, non par malice, car je n prends rien plus au sérieux, mais parce que Kerdrel aurait donné, par son nom seul, une couleur trop politique à des pensées qui, au fond de mon cœur et de ma conscience sont uniquement religieuses. La voix attristée de Séré adoucira les termes à la lecture, et sa prudence contrebalancera mon zèle. Je compte aussi qu'il se trouvera bien par ci par là quelques bretons encore un peu de leur race, et qui, stimulés, feront ou diront mieux que moi, mais en prendront au moins texte pour réfléchir sur le déplorable avenir qu'on nous prépare. Si le Correspondant succombe, il faudra au moins écrire à un évêque par mois. Accoutumez-vous petit à petit à cette idée.
Je vous embrasse toutes trois sur cette perspective.
Alfred