Année 1860 |
9 mars 1860
Henri Lacordaire à Alfred de Falloux
Sorèze, 9 mars 1860
Mon cher ami,
Je vous remercie de la promptitude avec laquelle vous avez communiqué le résultat de votre audience des Tuileries1. Voilà donc une affaire terminée, et certes elle avait des difficultés qui pouvaient paraître insurmontables avant, pendant et après l'élection. Vous avez votre part dans ce miracle de l'ordre moral, et je vous prie d'agréer de nouveau toute ma gratitude. Il est convenu entre M. Guizot et moi, par l'intermédiaire de Montalembert, que ma réception n'aura lieu qu'en janvier 18612. Il n'y a donc pas à se presser pour M. Ampère ; mais je vous prie de lui dire que je serai plus heureux homme du monde de le recevoir à Sorèze, soit avant, soit après son voyage des Pyrénées. Il vaudrait mieux après, car la saison est encore bien mauvaise ici. Dites-lui, je vous prie qu'il a son appartement tout près, et que Sorèze sera fier de lui donner l'hospitalité. Ça été pendant un demi-siècle le rendez-vous du voltairianisme ; il est juste que les bonnes et saintes idées y prennent leur revanche par les hommes qui les représentent.
Le résultat de votre conversation des Tuileries au point de vue politique ne m'étonne pas. Il y a là, sous terre, un principe dirigeant que nous ne connaissons pas, et que, probablement, personne ne connaît : alta mente repostum.
J'ai reçu de tous les points les plus opposées de l'horizon des félicitations sur un brochure, et je commence à croire que Rome n'en sera point blessée. J'attends d'un jour à l'autre une lettre de mon général qui me dira le dernier mot.
Je suis bien aise que Mme de Falloux ait goûté ma Sainte Madeleine3, mais il faudra qu'elle vienne la visiter à la Sainte-Baume et à Saint-Maximin4. Je prie Dieu que sainte Madeleine la remercie d'avance par d'heureuses couches5. Veuillez en agréer l'augure, ainsi que l'expression cordiale de mes sentiments de haute estime et d'attachement.
Fr. Henri-Dominique Lacordaire, des Fr. Prêch.
*Lettre publiée dans Le Correspondant du 10 juin 1911.
