Année 1861 |
30 avril 1861
Pierre-Antoine Berryer à Alfred de Falloux
Angerville, 30 avril 1861
Cher ami, en même temps que votre lettre d'hier j'en reçois une de M. Walsh1 qui me dit que vous avez été encore bien souffrant dans ces derniers jours. Aurez-vous pu vous rendre aujourd'hui à l'académie, je regrette fort d'avoir été dans l'impossibilité de m'y réunir à vous et de répondre à l'appel de M. Guizot. Votre conversation de trois heures avec le nouvel arrivé2 n'a pas dû être pour vous une petite fatigue. Je ne vous en demanderai les détails que pour avoir le plaisir de causer avec vous. Je m'imagine l'entendre tout entier dans l'affligeant résumé que vous m'en donnez en quatre mots. Ces mêmes belles choses m'étaient racontées il y a peu de jours par un de nos jeunes amis qui les avait recueillies de la bouche de M. de Belleval3. Celui-ci voulait surtout qu'on se gardât bien d'appeler des légitimistes dans les conseils généraux. Le préfet leur rendraient visite, il donneraient à déjeuner à ce magistrat qui les inviterait à dîner et leur proposerait au dessert un toast compromettant qu'il ne pourraient pas repousser. Et voilà comment on perd ses amis ! J'ai bien vite répandu : « M. de B. a bien raison ; si telle est la trempe de caractère de ses correspondants, telle leur fermeté de principes, telle leur dignité personnelle, tel leur courage, il faut bien se garder de les exposer au suffrage public, mais surtout il faut se garder de les réserver pour des jours où il serait besoin d'entrer dans une action énergique. » Le pire est que ces messieurs ne parlent pas exactement sans doute parce qu'ils sont très mal avisés. Je n'ai pas dit autre chose à Kerdrel que l'ignorance où j'étais des intentions, n'ayant reçu aucune réponse d'outre-Rhin.
Il m'est venu directement de l'un des membres du Bureau4 seize propos en deux volumes, dont je vous parlerai. Chailloux5 a pris copie de mes réponses.
Je dirais vos hommages au grand et cher évêque. Je vous envoie, cher ami, mes vœux pour votre meilleure santé et la prière de me conserver votre noble et chère amitié.
Tout à vous.
Berryer