1880 |
6 janvier 1880
Charles de Mazade à Alfred de Falloux
Monsieur le comte, Je reçois votre lettre et je veux sans plus de retard vous dire combien je suis sensible à vos bonté. Les témoignages de votre intérêt ont pour moi un prix très particuliers et puisque je n'ai plus à conquérir cet intérêt, laissez-moi vous dire, je ne crois pas vous l'avoir dit, que la personne chez qui dans ces dernières années j'avais trouvé le plus d'encouragement à me présenter était tout simplement Mgr l'évêque d'Orléans. Mgr Dupanloup, toutes les fois que j'avais l'honneur de le voir me pressait avec sa bonne grâce et je crois bien que dans ces circonstances il a été un des deux ou trois membres de l'Académie qui ont voté pour moi. Je peux invoquer sans scrupules les souvenirs maintenant que votre intérêt m'est si gracieusement assuré. Vous m'excuserez, monsieur le comte, d'avoir pris l'initiative d'une désignation particulière de fauteuil, je l'ai fait en toute simplicité, sans aucun calcul. J'ai obéi à un sentiment et à ce qui me paraissait une convenance après trente ans de collaboration et d'amitié avec le bon Taillandier. Il est bien entendu que je laisserai toute liberté à mes amis pour tout ce qu'ils croiraient devoir faire. Autant qu'on en peut juger d'après ce que j'ai recueilli, rien ne serait engagé dans cette affaire des candidatures académiques, quoique les candidats ne manquent pas. Sans prétendre me prévaloir de rien, tout ce que je puis dire c'est que chez les personnes que j'ai vues, je n'ai trouvé que des dispositions obligeantes. M. Le comte d'Haussonville1 m'a témoigné sa bonne volonté depuis plus de six mois. M. Le duc de Broglie que j'ai vu m'a paru très disposé à favoriser ma candidature. Je n'ai pas vu encore M. le duc Pasquier qu' est absent; mais je le sais très obligeant pour moi. M. Dufaure m'a exprimé le plus vif intérêt et M. Mignet est aussi très bon. Je crois pouvoir compter comme des amis M. Caro2, M. Feuillet3, M. Sandeau4, M. de Laprade5; on me l' a dit de ce dernier qui, comme vous le savez est absent. M. Marmier6 m'a parlé avec la plus grande amitié et le désir de contribuer à mon succès. Je n'ai pas l'honneur de connaître M. le duc de Noailles, M. de Champagny7, je leur ferai prochainement mes visites. J'ai à voir encore bien des personnes. Au total, il m'a paru qu'il y avait dans l'Académie des sympathies assez nombreuses, un peu dispersées qu'il ne serait pas impossible de rallier au moment décisif.
Laissez-moi vous dire, Monsieur le comte, que votre appui est ma plus précieuse garantie et que je serai heureux d'entrer à l'Académie avec votre secours. Ce serait pour moi une force de plus dans des luttes qui, je le crains, ne sont pas finies, et où, pour ma part, je resterai à mon poste jusqu'au bout, même quand ce sera sans illusion, parce qu'on n'a pas le droit de se décourager pour la France.
Recevez, Monsieur le comte, la nouvelle assurance de mon sincère et affectueux dévouement. Ch de Mazade.