CECI n'est pas EXECUTE 21 août 1871

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21 août 1871

Camille de Meaux à Alfred de Falloux

21 août [1871]

Je ne sais si je saurai et pourrai faire ce que vous attendez de moi ; je ne sais ce qui sortira de la crise amenée par la proposition Rivet1 dont le premier et le plus immédiat péril à mon sens est la rupture de la  majorité et par conséquent l'impuissance de la Chambre et sa dissolution à bref délai2. Voilà selon moi ce qu'il faut avant tout et par-dessus tout conjurer. J'espère fermement que la commission y parviendra ; mais n'ayant pas réussi malgré l'effort que j'ai fait dans mon bureau ou plutôt à cause de cet effort même à en faire partie, je ne sais comment elle s'y prendra et par conséquent je ne sais non plus s'il y aura lieu d'intervenir après un arrangement conclu par nos meilleurs mandataires et c'est précisément parce que je ne sais rien de tout ce qui nous tient au cœur, cher Monsieur, que je n'ai pas eu, ces temps-ci, le courage de vous écrire. En définitive, on n'est pas encore près à rompre avec M. Thiers et surtout à le remplacer. Mais je crois comme vous le moment venu de laisser voir la vérité sur notre rôle et le sien et en attendant la proposition Rivet, je voudrais parler sur la garde nationale. Je me souviens de ce que vous m'avez dit de celle d'Angers, mais pas avec assez de précision pour donner cet exemple du désordre universel à la tribune. Si vous pouviez donc par le retour du courrier me faire parvenir une note sommaire à ce sujet, j'en serais très reconnaissant. Cher Monsieur, vous le savez ma femme et moi nous ne pouvons vous revoir sans être réchauffés et fortifiés dans les sentiments que nous vous devons et vous gardons à tant de titres. Personne ne me soutient comme vous dans ma redoutable carrière et je n'aurais pas de plus haute ambition que d'être digne de vous et de vous rendre vraiment content de moi. Ma belle-mère est en effet arrivée à Paris et c'est ma femme qui a quitté Versailles pour passer quelques jours avec elle. Je ne sais encore quels seront ses projets pour le reste de la saison ; ce que je sais bien c'est ce souvenir reconnaissant et doux dans sa tristesse qu'elle a gardé du Bourg d'Iré mais nous ne voyons guère comment elle pourrait en ce moment s'en aller de votre côté, cher Monsieur. Quant à moi vous savez si je voudrais toujours être prêt de vous et avec vous.

Comment va Mme de Falloux ? Êtes-vous rassurés sur Mme de Caradeuc3 ? Et Melle Loyde qui a peut-être un peu hâté votre départ de Versailles ? Je vous aurais plus d'une fois demandé des nouvelles qui nous tiennent bien au cœur, si je ne pouvais les avoir par Rességuier. Ici chacun va vraiment bien. Catherine est revenue à Conflans4. Vous savez par quels liens tous et chacun nous appartenons à vous et aux vôtres.

C. M.

Mon adresse à Versailles : 22, rue des Réservoirs.

Notes

1Rivet, Jean-Charles (1800-1872), préfet et homme politique. Député de Corrèze sous la Monarchie constitutionnelle (1839 à 1846), puis représentant du Rhone à l'assemblée constitutionnelle de 1848, il fut élu par la Corrèze à l'Assemblée nationale du 8 février 1871 où il s'inscrivit au centre gauche et apporta un soutien sans faille à la politique de Thiers.
2La proposition Rivet qui prévoyait de proroger pour trois ans les pouvoirs exercés par Thiers sous le titre de Président de la République.
3Belle-mère d'A. de Falloux.
4Catherine de Montalembert ; elle avait fait ses vœux au couvent de Conflans.

Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «21 août 1871», correspondance-falloux [En ligne], BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Troisième République, 1871,mis à jour le : 28/10/2013