CECI n'est pas EXECUTE 27 novembre 1878

1878 |

27 novembre 1878

Mgr Guillaume Meignan à Alfred de Falloux

Châlons, le 27 novembre 1878,

 

Monsieur le comte,

Je me promettais bien de vous remercier de l'excellent article1, trop bienveillant sans doute mais très bien pensé et très bien écrit que j'avais lu dans L'Union de l'Ouest : j'attendais le second. Aujourd'hui, je dois vous remercier de votre bonté et faire mes compliments à l'auteur des deux articles. Le mutisme à peu près complet de L'Univers et du Monde m'ont conduit a désirer ces articles. Le mot par lequel vous caractérisez ce que j'ai pu dire et faire à Rome est beaucoup trop flatteur pour moi; mais, je l'avoue,  j'ai cherché à faire mon devoir complètement. Vous avez bien raison de trouver timide l'attitude de l'épiscopat français qui commence à trouver dangereuse et honteuse pour nous une dictature usurpée par certains laïques journalistes et autres. On compromet la religion et l'avenir monarchique. Je ne comprend pas que la lettre du comte de Chambord mette pour condition de la résistance du chef des légitimistes au pouvoir le bien même qu'il est appelé a faire et qu'il pourrait réaliser lui-même s'il avait le pouvoir en main. Henri IV ne raisonnait pas de la sorte. La vérité tout entière2 pourrait se traduire peut-être par le pouvoir absolu et la confiscation des libertés publiques. C'est suivant moi désespérant, humainement parlant. Je vois avec bonheur que le pape Léon XIII, sans moins espérer en Dieu que Pie IX, pratique en ce moment cette maxime sage: "Aide-toi, le ciel t'aidera". Il s'applique avec une intelligence supérieure a démêler les fils très brouillés des affaires ecclésiastiques dans le monde entier. Avant lui j'avoue que je ne comprenais pas comment le S[aint]-Siège pouvait améliorer la situation religieuse ; aujourd'hui, je veux tout espérer d'une sagesse et d'une activité persévérante. Je compare souvent le Comte de Chambord à Pie IX : c'est très honorable pour sa personne, mais peu rassurant pour nous. Je suis encore sous le coup de la perte de l'évêque d’Orléans3. J'ai dit à Rome dans les antichambres de sa sainteté que le S[aint]- Siège avait perdu une belle occasion d'honorer la pourpre romaine4. Agréez, Monsieur le comte, l'assurance de mon attachement respectueux.

 

Guillaume, év. de Châlons.

 

P. S. J'oubliais de vous dire que Léon XIII qui ne paraît point l'ennemi des constitutions libérales comme celle de la Belgique a insisté sur ce point, à savoir que ce n'est pas là l'idéal chrétien, mais seulement un modus vivendi. Il a blâmé le mélange de vrai et de faux dans les principes de 89 qui, dit-il ne sont pas du tout des principes. Il a rappelé la différence qu'il faut faire entre la thèse et l'antithèse de la Civilta. J'ai cru entrevoir qu'on ne le flatterait pas en lui prêtant des idées trop libérales. Je vous transmets mes impressions.

Notes

1De la contre-révolution, Paris, Douniol, 1878.
2A Pierre Mathieu, chargé d'écrire son histoire particulière, Henri IV aurait dit « Oui, il faut dire la vérité tout entière. Si on se taisait sur mes fautes, on ne croirait pas le reste : eh bien, écrivez-les donc, afin que mon fils les évite. »
3Mgr Dupanloup était mort le 11 octobre 1878.  
4Les amis de Mgr Dupanloup avaient espéré, en vain, la nomination de l'évêque au cardinalat à l'occasion du conclave au cours duquel Léon XIII avait été élu pape.

Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «27 novembre 1878», correspondance-falloux [En ligne], BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Troisième République, 1878,mis à jour le : 14/12/2015