CECI n'est pas EXECUTE 14 octobre 1871

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14 octobre 1871

Jules de Bertou à Alfred de Falloux

Rochecotte, le 14 octobre 1871

Cher ami,

Si votre programme n'a pas été entravé par une crise vous devez être à l'heure qu'il est au Bourg d'Iré: mais les pèlerines vous ont-elles déjà rallié? Je vous ai écrit à Rennes, hôtel Caradeuc, à Segré et j'ai aussi adressé un mot de reconnaissance à M. Riobé1 à cette dernière adresse. Je ne suis encore qu'a moitié redressé2. La douleur a diminué sans avoir disparu et l'immobilité elle même ne suffirait pas à me garantir contre la reprise de la souffrance si je ne soumettais pas dans des conditions particulières qui rendent l'écriture difficile et laborieuse. Antoine [de Castellane] nous est arrivé hier par l'express vers 4 heures après midi et pendant le dîner il a reçu une dépêche de l’Intérieur le convoquant d'urgence pour aujourd'hui 3 h. à la permanente. Il est réparti à 9 h. pour aller reprendre l'express à Port Boulet3 et nous sommes dans l'attente d'un télégramme disant le motif de ce rapport précipité. Si nous l'avons avant le départ du courrier je vous en dirai le contenu. Il était arrivé en disant que l'attitude de Paris ne présageait rien de bon, que les physionomies et les conversations sentaient la poudre: que le bruit courait de la présence de l'Empereur et qu'il fallait s'attendre à tout; mais comme tout cela se mêlait à mille autres choses courant chacune dans des directions opposées, je n'y attachais qu'une importance relative jusqu’à l'arrivée de la dépêche d'urgence? Ce qui ressort de ce que nous avons entendu pendant le très court séjour du secrétaire, c'est que les conservateurs de la province sont Thieristes et ceux de Paris Bonapartistes à l'heure actuelle en attendant qu'ils deviennent orléanistes ce qui ne tardera pas si, comme je le crois de plus en plus, Adolphe [Thiers] a joué le jeu de la restauration de la révolution de juillet. Avez vous su que l'autre jour à un dîner donné par M. Bocher4 aux princes d'Orléans on avait porté un toast à M. Thiers! Les avances à la République n'auraient été alors qu'une fausse démonstration pour se donner le temps et le moyen de gagner un certain nombre de républicains comme autrefois on allait rechercher les cendres de l'Empereur pour gagner ce qui pouvait encore rester de grognards en disponibilité.
Voici 4 heures qui sonnent et aucun télégramme n'est venu nous éclairer sur les motifs de rappel du jeune secrétaire; si la soirée en voit venir, la poste de demain vous en fera part.
Vous avez demandé l'autre jour à Mad. de Cast[ellane] si j'avais une réponse de Nicolas; non, je n'ai rien reçu de lui mais je suppose qu'il est en vacance et attend d'avoir rejoint ses auteurs afin de les consulter avant de répondre, car je suis de plus en plus porté à croire que les méditations ne sont pas de lui mais elles pourraient être d'un autre et c'est assez probablement ce qu'il veut vérifier.

Mille tendresses des deux marquises et de votre tout dévoué.

Jules

Notes

1P. Riobé, ancien secrétaire de Falloux.
2Jules de Bertou souffre alors d'un lumbago (voir sa lettre du 11 octobre 1871).
3Gare ferroviaire située sur la commune de Chouzé-sur-Loire, en Indre-et-Loire.
4Édouard Bocher (1811-1890), homme politique. Administrateur des biens de la famille d'Orléans après 1848, il avait été élu à l'Assemblée nationale de 1871 où il représentait le comte de Paris.

Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «14 octobre 1871», correspondance-falloux [En ligne], BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Troisième République, 1871,mis à jour le : 03/11/2013