CECI n'est pas EXECUTE 13 Août 1885

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13 Août 1885

Jules Auffray à Alfred de Falloux

30, rue de Versailles, Saint-Germain-en-Laye, 13 août 1885

Monsieur le comte,

J'ai l'honneur de vous adresser comme papiers les documents que vous m'avez demandé. Ils comprennent 1° l'article dont vous avez bien voulu subir la lecture - j'ai vérifié toutes les citations de mon plaidoyer et vous pouvez les tenir pour exactes - 2° les documents parlementaires sinon tous du moins les principaux extraits d'un recueil de Sirey. J'ai noté au crayon bleu les passages ayant trait à la question. Ce sont p. 73 - dans votre exposé des motifs ce qui est dit de la condition de moralité. Page 93 - la discussion à la chambre sur la nature et l'objet de l'enseignement secondaire. Page 94 - l'extrait du rapport de M. Beugnot1 sur les petits séminaires. Page 96 - autre extrait de M. Beugnot sur la surveillance dans ces établissements et citation incomplète de M. de Parieu2 que je fournis entière à la page 549 de mon plaidoyer. Si vous pouvez puiser dans ces pièces, les éléments d'un exposé de l'intention du législateur de 1850, j'y verrais, ainsi que je l'exposait à M. de Mackau en lui demandant s'il n'était pas indiscret de vous entretenir de la question, un grand avantage. Le conseil supérieur n'a rendu sa mauvaise décision que sous la pression d'une influence passagère, d'un courant qui se modifie vite, ce même conseil peut, à 1 an, à 2 ans de distance, revenir sur sa décision, du moins faut-il qu'il ait l'air d'avoir des documents nouveaux. Une lettre de vous serait ce document nouveau, irréfutable qui, servant aujourd'hui de protestation, peut devenir le moyen nécessaire modifier une jurisprudence injuste.
Puis comme vous m'avez reproché de n'être pas franc, je veux aller jusqu'au bout de ma pensée cette fois, en vous avouant que je suis fier que les circonstances m'aient assuré à être le destinataire d'une lettre au bas de laquelle figurera votre nom. M'en voudrez vous M. le comte, de cette franchise - et me permettrez vous d'ajouter que je tiens pour bien remplies les deux journées pendant lesquelles, par l'amicale obligeance de M. et de Mme de Mackau, j'ai eu l'honneur de vous approcher et de vous entendre.
Je suis d'une génération trop jeune pour avoir éprouvé des blessures personnelles dans les grandes luttes où vous avez été mêlé. Mes amis et moi nous ne jugeons ces combats que par leurs résultats au milieu desquels nous vivons. Eh bien, parmi nous, Monsieur le Comte, vous trouveriez la mesure unanimité pour n'éprouver en votre présence e qu'un profond sentiment de respect et de reconnaissance - au souvenir des actes peu nombreux mais si grands par lesquels vous avez signalé votre trop courte carrière. Au reste, lisez Marius Sepet3.  C'est l'extrême droite d'aujourd'hui. Quel langage il tient comparé à celui d'autrefois et aux injures dont vous avez été abreuvé. Tels sont, Monsieur le Comte, les sentiments que vous me permettrez de vous exprimer. Veuillez agréer la nouvelle assurance de mon plus respectueux dévouement.

Jules Auffray.

Notes

1Beugnot, Auguste Arthur, comte (1797-1865), historien. Il s'était opposé au projet de Villemain sur l'instruction publique et fut à l'Assemblée législative, sous la Seconde république, rapporteur du projet de loi sur l'enseignement secondaire (la loi Falloux). Il était entré dans la vie privée après le coup d'état du 2 décembre 1851.
2Parieu Félix Esquirou de (1815-1893). Successeur de Falloux au ministère de l'Instruction publique et des Cultes, il avait fait voter sa loi sur l'enseignement.
3Sepet, Marius Cyrille Alphonse (1845-1925), archiviste paléographe, ancien élève de l’École des chartes, auteur de plusieurs ouvrages dont une vie de Jeanne d'Arc, rééditée à de nombreuses reprises.

Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «13 Août 1885», correspondance-falloux [En ligne], BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Troisième République, 1885,mis à jour le : 07/04/2013