CECI n'est pas EXECUTE 30 octobre 1880

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30 octobre 1880

Louis Buffet à Alfred de Falloux

Ravenel1, 30 Octobre 1880

Mon cher ancien collègue et ami,

J’ai reçu hier et j’ai lu avec beaucoup d’intérêt votre mémoire aux membres du comice de Segré. Je connaissais déjà par les journaux les principaux incidents de la réticulaire révoltante campagne entreprise par votre préféré contre le comice que vous présidez et évidemment parce que vous le présidez. Vous avez dix mille fois raison. Ces gens-là ne peuvent décidément plus supporter aucune association indépendante. Ils dépassent de beaucoup l’Empire dans sa période la plus autoritaire.

Je suis depuis 1853 président du comice de Mirecourt2, et bien que le gouvernement impérial me fit une guerre acharnée sur le terrain électoral, son hostilité ne s’est jamais manifestée à l’égard du comice de son président. Mes relations avec l’administration, en cette dernière qualité, ont toujours été d’une courtoisie parfaite. On ne m’a jamais suscité la plus légère difficulté, et les subventions accordées par le ministère de l’agriculture et par le département ont été invariablement maintenu sans condition. Je ne sais si les procédés du préfet de Maine-et-Loire vont se généraliser. La dissolution du comice de Charolles3, dont Monsieur de la Guiche4 est je crois, président, semblerait l’indiquer, mais jusqu’ici le préfet des Vosges ne m’a rien notifié.

Je saisis avec empressement, mon cher ancien collègue et ami, cette occasion de me rappeler à votre souvenir et de vous dire de nouveau combien je désirerais vous voir à notre tête au Sénat pour soutenir les luttes qui nous attend.

Croyez bien à mon vieil et cordial attachement.

L. Buffet

J’attacherais un très grand prix à vos indications relativement à la marche que nous devons suivre à la rentrée des chambres. Je pars demain pour Paris. J’y retrouverai à partir du 3 le duc de Broglie et quelques-uns de nos collègues. Il est indispensable que nous arrêtions à l’avance notre plan de conduite.

La violence a été poussée à un tel point que nous pouvons si je ne m’abuse, espérer quelques résistances du Sénat, résistance bien insuffisante sans doute pour arrêter le torrent, mais qui honorera du moins notre foi.

Dieu veuille que la majorité sénatoriale pas le droit de dire belle : propter vitam vivendi perdere causas5.

1Domaine de Louis Buffet, à Mirecourt, dans les Vosges.

2Ville des Vosges.

3Commune de Saône-et-Loire.

4Philibert Bernard de La Guiche (1815-1891), homme politique. Député de Saône-et-Loire de 1846 à 1848, il siégea dans l’opposition légitimiste. Élu par le même département de 1871 à 1876, il rejoignit le parti légitimiste et s’inscrivit à la réunion des réservoirs et au cercle Colbert. Battu aux sénatoriales et aux législatives de 1876, il quittera alors la vie politique.

5Pour l'amour de la vie, de perdre les raisons de vivre.


 

Notes

1Domaine de Louis Buffet, à Mirecourt, dans les Vosges.
2« perdre, pour sauver ta vie, ce qui est la raison de vivre ».

Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «30 octobre 1880», correspondance-falloux [En ligne], BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Troisième République, 1880,mis à jour le : 23/01/2021