CECI n'est pas EXECUTE 5 janvier 1884

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5 janvier 1884

Albert de Rességuier à Alfred de Falloux

Paris, 5 janvier 1884

Cher ami, je suis bien content du retour de Berthe1, mais je le suis moins de sa santé. Elle me revient plus fatigué encore que de coutume et payant évidemment, le tort qu'elle a eu de ne pas aller l'été dernier, refaire, aux bains de mer, sa provision de force pour cet hiver. J'ai convoqué autour d'elle son mari et ses enfants et je leur ai donné lecture de votre lettre, répondant très aimablement et très suffisamment à celle que vous avez reçue de chacun d'eux. Ménagez donc votre poitrine et la plume de M. André en ce qui le concerne, et contentez-vous de venir les embrasser dans quelques jours. L'évolution Freppel coïncidant avec divers autres symptômes ne va-t-elle pas nous doter d'un nouveau parti catholique prêchant le désintéressement de toute forme politique, avec l'Univers pour organe, Albert de Mun pour orateur et l'opposition au comte de Paris pour programme ? Cela ferait bien les affaires du bonapartisme comme les ont faites nos intransigeants anti-révisionniste de 1851. Il me semble, à propos de révision, que l'annonce que Ferry en a faite, pour cette année met, nettement, le parti royaliste en demeure d'entrer franchement en campagne. Que n'a-t-il des chefs un peu plus occupés de créer des courants d'opinion et de profiter des circonstances qui s'y prêteraient naturellement ? Comment, par exemple, avoir laissé dans le quasi huis clos du Sénat, l'excellente déclaration de Bocher2, au début de la discussion dérisoire du budget ? N'aurait-il pas fallu la faire afficher dans toutes les communes de France ? De même aussi, l'article de Lavedan3 sur le gaspillage financier de la république ! Quel malheur que votre voyage à Paris aille précisément coïncider avec celui du Comte de P[aris] en Espagne ! Les projets de ce prince sont tels que je vous l'ai écrit. Il arrive ce soir ou demain matin rue de Varenne et partira demain pour l'Espagne dans le courant de la semaine. Il ne paraît pas qu'il soit question de mariage, comme on me l'avait dit ; mais d'une visite formellement promise en retour de celle que le roi Alphonse4 devait faire à Eu, et qui a été rendue impossible par les incidents de son arrivée à Paris. Je sais aussi, confidentiellement par la dame de Monabri, que les rapports qui étaient très froids avec Berlin tendent à devenir meilleurs et qu'on s'est mis en correspondance. Mille millions de tendresses.

Al.

Je n'ai rien à attendre en réponse de mon inscription de pure politesse, rue de Varenne. J'ai multiplié mon avis pour qu'il en soit autrement de celle de Lavedan. J'ai quelques raisons de croire qu'on a de parti pris, peu d'attrait pour lui.

Notes

1Berthe Benoist d'Azy (1850-1899), fille cadette d'A. de Rességuier.
2Député orléaniste, il est alors un des leaders de l'Union conservatrice qui regroupe, outre les orléanistes et les légitimistes, les Bonapartistes, qu'il s'agisse des partisans de Jérôme ou de ceux de Victor.
3Léon Lavedan collabore au Figaro où il publie, sous divers pseudonymes, un article hebdomadaire.
4Alphonse XII (1857-1885), roi d'Espagne.  Ayant retrouvé son trône, quelques jours auparavant, Alphonse XII, avait mis en place une monarchie constitutionnelle. Ce qui ne pouvait qu'affaiblir les partisans du comte de Chambord et de ceux qui restaient attachés au drapeau blanc.

Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «5 janvier 1884», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, 1884, CORRESPONDANCES, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES,mis à jour le : 07/07/2023