CECI n'est pas EXECUTE 16 juin 1882

1882 |

16 juin 1882

Guillaume Meignan à Alfred de Falloux

Châlons, le 16 juin 1882

Monsieur le comte,

Je ne suis pas surpris du succès de Discours et mélanges1. J'espère qu'il ira grandissant mais à la condition de ne point réveiller des polémiques aujourd'hui tombés comme de mauvaises plantes qui sèchent mais ne sont pas encore suffisamment enterrées. Elles sont à fleur de terre; et il ne manquerait pas de gens pour les ranimer, vous n'en doutez pas. Or, les rédacteurs des Semaines religieuses sont en général très étroits et étrangers à une sage politique. Ce qu'ils enregistrent de parfaitement libéral, ils ne le comprennent qu'en partie; et ils l'admettent parce que les principes libéraux sont émis par des amis qui ont donné des gages à leurs idées favorites. Le fait que vous le signalez à savoir l'omission de l'offre les feuilles hebdomadaires ecclésiastiques pour servir à la publicité de votre ouvrage est significatif. Les mieux intentionnés des évêques les plus convaincus de l'excellence et de l'opportunité du rappel de ces Discours n'oseraient encore le recommander ouvertement. Si j'avais une Semaine religieuse je n'hésiterais pas à recommander ce que je crois excellent, mais je n'ai pas encore cru devoir rétablir une publication que j'ai eu beaucoup de peine autrefois à diriger suivant mes vœux.

Vous m'avez demandé un avis sincère, je viens de vous le donner en toute franchise. Les Discours sont assez opportuns et assez intéressants pour faire leur chemin, lentement, à la vérité, mais sûrement. A Paris le nonce2, à Rome Mgr Jacobini3, ont à lutter tous les jours encore contre les exagérés du Syllabus. Je le sais pertinemment. Permettez-moi de vous envoyer un petit mémoire que j'ai déposé entre les mains du pape à la suite d'une conversation que j'ai eue, au mois d'octobre, avec sa Sainteté. J'ai touché la question libérale très incidemment mais j'ai cru remarquer qu'il ne voulait aucune polémique, même aucune parole publique à cet égard. On voudrait même, quelques-uns des ardents, qu'il donnât des avis aux orateurs catholiques qui, dit-on, en ce moment dévient des lignes tracées par Pie IX. Veuillez bien veiller à ce que la communication du petit travail ci-joint reste entre nous et que ce trait ne soit pas lu ni copié par des indiscrets. Léon XIII m'a écrit qu'il était très satisfait du travail et il a dit à l'évêque de Soissons qui me l'a écrit : "l'évêque de Châlons est très fort, très fort". Je rougis en écrivant ceci car j'en demande pardon au St. Père, l'éloge sur le compliment est immérité. Je vous dois tout cela pour vous éclairer et parce que cela peut être utile pour bien apprécier un côté de la situation. Ayez la bonté de me renvoyer mon manuscript [sic] quand vous l'aurez lu.

Agréez, monsieur le Comte, avec mon profonds respect, toutes mes félicitations pour l'heureuse publication.

Guillaume, ev de Châlons

Notes

1Falloux avait publié, quelques mois auparavant ses Discours et Mélanges politiques (Plon, 1881, 2 vols.). Il s'agit d'un recueil d'articles.
2Mgr Czacki, Włodzimierz, (1835-1888). Nommé par Léon XIII à la nonciature de Paris, en 1879, il fut chargé d'appliquer la nouvelle politique du Saint-Siège et en particulier de convaincre les catholiques de ne plus lier leur intérêts à la cause royaliste et d'accepter les nouvelles institutions que la France s'était données. Considéré comme l'allié des catholiques libéraux, il n'était guère apprécié de Veuillot et de ses amis qui plaidaient auprès du Saint-Siège pour son remplacement. Secrétaire de la Congrégation des Études de 1875 à 1877, secrétaire de la Congrégation des Affaires ecclésiastiques extraordinaires de 1877 à 1879, cardinal en 1882.  
3Lodovico Jacobini (1832-1887), nonce à Vienne depuis 1874, il avait été nommé cardinal en 1879, et venait d'être nommé secrétaire d'État.

Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «16 juin 1882», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, 1882, CORRESPONDANCES, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES,mis à jour le : 07/04/2013