CECI n'est pas EXECUTE 26 novembre 1855

Année 1855 |

26 novembre 1855

Francisque de Corcelle à Alfred de Falloux

Essay1, 26 novembre 1855

Mon cher ami, je reçois votre billet qui me fait désirer avec une vive impatience l'explication que vous m'avouez. Les citations sont en bonne main. Les infractions à la charité sont des péchés ; mais la théorie de la médisance et de la fureur dénigrante à l'usage des catholiques, sont quelque chose de pis ; voilà ce qu'il importe d'établir fermement en toute rencontre. Je n'ai pas eu d'autre attention. En attendant votre récit, voici ce que je viens d'apprendre : mon ev[êque]2 grand admirateur de L'Un[ivers] lui trouve cependant quelques-uns des défauts signalés par Bourdaloue3. Comme il est fort bienveillant et aimable pour moi, il s'est étonné, sans n'en rien dire, que V[euillot] n'ait pas reproduit ma notice sur les Trappistes4. La maison-mère est dans son diocèse. Il était très lié avec le dernier abbé gl. de vénérable mémoire. Raison de plus, pour lui, de s'étonner du silence de V[euillot]. S'il m'avait consulté avant de faire parvenir sa plainte à L'Un[ivers] je lui aurais dit : « M. V[euillot] doit savoir ce que je pense de sa feuille, et il n'est vraiment pas raisonnable de lui demander la reproduction d'une vieillerie dans la principale intention était de démontrer que si le R. P. Hercelin5 avait été d'humeur querelleuse, il ne serait pas venu à bout de fonder Staouëli. »

Mais la démarche a eu lieu à mon insu. Veuillot a répondu deux fois. Je n'ai lu que sa deuxième lettre, en date du 16 novembre. Il dit qu'il insérera ma notice pour être agréable à l'ev[êque] et parce qu'il la trouve édifiante. En même temps, il mêle à des éloges sur ma personne, des réserves sur mes jugements. Il me range parmi les parlementaires grognons, les modérés rancunieux qui s'allient aux académiciens et le dénoncent au Saint-Siège.

Dans la première lettre, il raconte que les pères jésuites de Rome lui ont donné avis de mon intervention, qu'on lui a même dit que j'avais été consulté par S. S.6 , etc...

Maintenant, vous expliquez-vous ce qui a pu y donner lieu ? Il n'y a rien à faire, quoique cet incident soit regrettable. Je n'ai pas lu la lettre où il est parlé de l'information des pères j[ésuites]. Si elle parvient à ma connaissance, je vous en dirai davantage.

Je sais seulement que je ne suis pas le seul dont Veuillot se plaignent à cette occasion ; il déclare même qu'il préférerait ma dénonciation à celle des auxiliaires passionnés qui ont agi avec moi, par ce qu'il me croit plus impuissant que. A-t-il nommé d'autres personnes ? Je l'ignore. Il les désigne dans tous les cas, très clairement. Son langage est à la fois, rusé, craintif et agité. Il étale ses tribulations, comme un martyre qui s'attend à des périls. Je ne doute pas, qu'en ce moment, beaucoup de lettres semblables ne soient arrivées en divers diocèses. Ce sont de ces précautions qui s'appellent des camouflés, en style de siège. La lettre perdue a-t-elle contribué au demi éclat qui pourrait bien devenir un tapage ? Faut-il admettre quelques vanteries ou confidences imprudentes à Rome même ? Nous aurons de la peine à éclairer cela.

Mais nous savons que les suppositions de M. Veuillot n'ont aucun fondement et que ce n'est pas de notre côté, qu'est partie l'information singulière contre laquelle se met en garde le lutteur très animé et très brillant de l'univers.

Je désire beaucoup que Veuillot ne donne pas satisfaction à mon évêque en publiant la notice Tr, car il l'accompagnerait de commentaires à sa façon, et je n'aimerais guère à dire publiquement ce que j'en pense.

Tout ceci est confidentiel. Surtout ce qui concerne notre év[êque]7.

Alexis [de Tocqueville] va mieux. Son adresse est : au château de Tocqueville. Par Saint Pierre Église. Manche. Il me paraît bien animé contre les écrivains de L'univers et les évêques qui font des mandements. Je ne sais rien du nouveau cardinal, si ce n'est que l'entourage du Vatican le désigne comme un M. Villecourt8, né à Lyon en 1790.

Mon neveu revient de chez l'hôte qui m'a reçu ce printemps dernier. Il a passé chez lui deux semaines. Ses impressions sont excellentes.

Les visites complémentaires auront lieu.

J'oubliais de vous dire que je viens de recevoir une lettre du prieur général de la Trappe datée de Rome [suite de la ligne illisible].

Alexis [de Tocqueville] croit que notre maître est en voie de modération, ce qu'il attribue au voisinage de la cinquantaine. Il se fut perdu, dit-il, probablement, s'il eût été heureux 20 ans plutôt. Je vous transcris ce jugement sans me l'approprier.

[Ligne manquante]

S'est exprimé sur moi avec un redoublement de bonté. Mon ami le procureur général en est très frappé. Le Saint-Père lui a même dit qu'il avait le désir de me répondre.

On a enlevé hier les derniers supports de notre bras cassé9. Le premier mouvement du cher petit a été de nous passer celui-ci autour du cou. Ainsi, le sentiment de la préservation et des nouvelles grâces est tout ce qui reste de cet accident. Veuillez mettre au pied de Madame de Falloux mes sentiments les plus dévoués et les plus reconnaissants.

F. C.

Notes

1Commune de l'Orne, où se situe le château de Beaufossé, propriété de F. de Corcelle.
2Mgr Rousselet, Charles-Frédéric (1795-1881), évêque de Sées (Orne).
3Bourdaloue, Louis (1632-1704), grand prédicateur jésuite.
4Intitulée « Les Trappistes de Staouëli », cette notice paraîtra dans Le Correspondant du 25 janvier 1859.
5Don Hercelin (1787-1855), abbé de la Grande Trappe de Soligny et fondateur du Monastère cistercien de Timadeuc.
6Sa Sainteté Pie IX.
7Mgr Dupanloup.
8Villecourt, Clément (1787-1867), nommé évêque de La Rochelle en 1836, il sera démissionnaire et fait cardinal de curie le 7 mars 1855.
9Voir lettre du 29 octobre 1855.

Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «26 novembre 1855», correspondance-falloux [En ligne], Année 1852-1870, Second Empire, Année 1855, CORRESPONDANCES, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES,mis à jour le : 16/09/2013