CECI n'est pas EXECUTE 26 septembre 1870

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26 septembre 1870

Pauline de Castellane à Alfred de Falloux

Lundi 26 septembre 1870

Voici, chers amis, une lettre que je viens de recevoir et que je vous prie de me rapporter ou renvoyer après connaissance prise de son intéressant contenu. Que de changements encore, survenus depuis ma dernière lettre, dans notre terrible situation et l'aggravant hélas ! l'aggravant toujours ! !  Le mal est si grand et l'abîme où nous sommes tombés, si profond, que du milieu de mes larmes je me prends parfois à espérer que le moment de la miséricorde approche...Mon Dieu, c'est bien là espérer votre haute espérance, mais c'est alors qu'on espère plus que en vous, et votre oreille ne demeure pas sourde au cri de celui qui ne s'adresse plus qu'à vous seul ! La poste de ce matin m'apporte ici votre billet qui nous fait vous attendre fort prochainement très cher, très cher Monsieur ! Ceci c'est comme vous le [mot illisible]....Bertou, vous remercie pour sa part, de ce cher billet. Si il apprend quelque chose qui mérite un mot pressé, il vous adressera un mot de Tours où il accompagne ce tantôt Madeleine1 qui y va faire quelques emplettes de campagne pour ..... Antoine !  

Chers amis mes entrailles maternelles sont comme déchirées.  Cet unique fils à moi va probablement, avec sa mobile, non encore sérieusement organisée, être envoyé en tirailleur contre notre formidable ennemi ! Il est revenu d'Auvergne, [mot illisible] le pauvre cher garçon. D'Auvergne où il eut été élu pour la Constituante, certainement si il eut passé là bas, jusqu'à la date du 20 octobre et paraît être bien, peut-être, retourné à sa mobile parce que le devoir de son engagement militaire l'obligerait à revenir à sa compagnie.  Mais d'élection, même, il n'est plus question, ni de paix, ni de rien qui rassérène sous un ciel de plomb qui nous écrase.  Donc, Antoine vient de nous quitter pour rejoindre sa garnison. Un express doit nous appeler pour aller l'embrasser lorsque ordre leur sera donné de partir. Mes amis, priez et redoublez de prière pour ce mari bien aimé, ce jeune père, ce fils unique ! a poste d'aujourd'hui nous a apporté aussi 4 lettres de Marie, des 14, 15, 16 et 19 ! Les dernières nouvelles de son mari, bonnes, étaient du 15. Elle vous fait dire que, en ce moment surtout, les recherches à faire sur la paix Falloux sont difficiles à faire, mais qu'elle va s'y mettre et de son mieux. La pauvre enfant dévorée d'anxiété souffre habituellement de forts maux de tête. ..Ici, Madeleine, calme d'extérieur a intérieurement une agitation qui se manifeste sur ses forces par des excès de pâleur ou de rougeur alternant. Et par le creux et la rougeur de ses yeux...Du reste elle n'est grâce à Dieu, pas.malade, et elle devient morne. Cependant sa grossesse est de six mois, et peu de jours avec....quelle complication de son temps comme celui-ci ! ! Les petits sont et vont à souhait. Henry a dû transporter sa compagnie de mobiles, de La Flèche au Mans où ils attendent quelqu'autre ordre....Dampierre2 a été respecté par les Prussiens qui sont dans tout le pays de Chevreuse. Par ici, on croit qu'ils n'y viendront pas. Quant à présent du moins......Les anarchistes me semblent du reste bien plus redoutables pour les châteaux. Vos [mot illisible] m'inquiètent n'étant que trop [plusieurs mots illisibles].

Au revoir donc à vous et toujours à Dieu.

Notes

1Madeleine de Castellane (1847-1934), née Leclerc de Juigné ; elle était, depuis le 3 avril 1866, l'épouse d'Antoine de Castellane.
2Situé dans la vallée de Chevreuse. (Yvelines), le château de Dampierre appartient depuis le XVIIe siècle aux ducs de Luynes.

Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «26 septembre 1870», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, 1870, CORRESPONDANCES, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES,mis à jour le : 06/04/2013