1872 |
6 septembre 1872
Alfred de Falloux à Jules de Bertou
6 septembre 1872
Cher ami,
Nous avons définitivement un premier prix de taureau un troisième et un quatrième prix de génisses. C'est moins qu'ambitionnait M. Lemanceau1, mais c'est assez pour maintenir l'étable à son rang, et voilà l'essentiel. Je suis encore en très mauvais train ce matin et Kerdrel arrivant ce soir, en grande partie extrait pour moi, je me détermine à faire la dépense d'un relais, et à ne partir que dimanche matin après la messe. J'ai eu la lettre du père Hyacinthe2, et la Gazette de France en donne une ce matin (très différente) d'Albert de Rességuier. Je suppose que l'Union de l'Ouest, vous la portera, sinon je vous l'enverrai du Bourg d'Iré. J'ai vu encore très peu de monde ici, étant à peine hors de mon lit, mais le peu que j'ai vu tient le même langage que le marquis de juillet sur la couleur des élections futures. Dès lors, comment ne se préoccupe-t-on pas davantage du seul remède, la réforme électorale ? On compte donc garder le scrutin de liste, puisqu'on parle de ceux qui pourraient y prendre part ? La lettre du comte de Chambord vous donne peut-être le désir de lire M. Nicolas3. Si vous le désirez, je vous l'apporterai, en vous prévenant que tout ce que vous n'avez pas lu et de la même force et de la même clarté que ce que vous avez entendu.
Vous vous faites une grande illusion, cher ami, en supposant qu'il me suffisait de dire à mon frère que vous n'avez pas changé. La question aujourd'hui n'est pas de savoir si l'on est un légitimiste théorique persistant à penser et à professer que la monarchie légitime est la seule voie de salut de la France. À cet égard, je me flatte que je ne suis pas plus changé que vous, et la question qu'il n'est pas possible d'éluder depuis un an vis-à-vis de soi-même ou vis-à-vis des autres est celle-ci : dans l'intérêt de la monarchie aussi bien que de la France, doit-on céder à toutes les exigences personnelles de Monsieur le comte de Chambord, lors même qu'elle perdent la France, ou doit-on lui résister ? Dans quelle mesure cette résistance doit elle se produire pour être efficace ? Voilà ce qu'on se demande à Rome, comme partout, et voilà ce qui ne permet pas de répondre purement et simplement : je n'en pense ni plus ni moins aujourd'hui qu'il y a dix ans, qu'il y a vingt ans. Cherchez donc une autre formule, ou expliquez-moi comment je peux adapter cette simple déclaration [mot illisible] à des questions aussi complexes que celles qui nous divisent aujourd'hui, sous peine de mort.
Alfred
Voilà votre petit mot du 5 septembre. Je l'envoie à Albert [de Rességuier].