CECI n'est pas EXECUTE 30 novembre 1860

Année 1860 |

30 novembre 1860

Pierre-Antoine Berryer à Alfred de Falloux

Augerville-la-Rivière, 30 novembre 1860

Très cher ami, depuis que je vous ai prié de me donner de vos nouvelles j'ai fort grondé Walsh1 de ne m'avoir pas parlé de vous, il s'en est fort excusé ces jours-ci, m'a bien dit qui n'ignorait pas la tendre amitié qui m'attache à vous et m'a assuré qu'il vous avait trouvé bien portant, fort en haleine et dominant les cœurs et les esprits dans le concours de braves gens à la gare d'Angers2. Il m'a aussi fait espérer de vous voir à Paris cet hiver et c'est avec joie que je vois cette espérance m'être confirmée par votre bonne lettre arrivée ici ce matin.

Je serais rentré définitivement en ville dimanche soir. Je saurai peut-être un peu dans quelques jours où en sont les hommes, mais guère plus qu'aujourd'hui où en sont et où vont les choses ; vous vous perdez me dites-vous en conjectures creuses, j'avoue que je me fatigue peu l'esprit dans des prévisions, je ne pressens pas plus le résultat des affaires présentes, que les hommes qui nous gouvernent ne savent ce qu'ils feront ou même ceux qu'ils veulent. Il est  assez difficile déjà de comprendre leurs actes consommés, leurs faits accomplis, qu'est-ce que signifie et peut signifier un changement ministériel dans lequel les ministres sont ou sont appelés à soutenir au corps législatif les propositions et les actes de leurs successeurs, en annonçant une prétendue publicité des débats du corps législatif3, on ne permet pas, on ne permettra point aux journaux d'en dire autre chose que ce qui leur sera imposé par des compte rendus officiels. La liberté de recevoir à discours du trône et d'y répondre par une adresse, ne me prouve que la certitude du gouvernement, que son désir peut-être de faire repousser la politique qu'il a promis au-dehors d'adopter, enfin je n'y vois que l'intention de faire engager les députés dans cette politique et de les amener ainsi à couvrir l'immense déficit de 1860 et à fournir les ressources que l'action extérieure rendrait indispensable cela n'éclaire en rien la question de savoir si l'on maintient la pensée d'une confédération ou si l'on passe à l'unitarisme.

Comme nous ne pouvons être, dans la situation qui nous est faite par nos amis aussi bien que par nos adversaires, que des spectateurs expectant, attendons nous verrons bien, mais nous ne verrons rien de bon, d'utile, d'honorables.

Je ne me préoccupe donc des mois qui vont venir que pour mesurer l'intervalle qui me sépare encore du moment où j'aurai la joie de vous embrasser, le plaisir de causer avec vous et de vous assurer de plus en plus de mon bien profond attachement.

Mon ami, mettez aux pieds de Madame de Falloux mes très humbles hommages et mes vœux pour la complète amélioration de sa santé et de la votre.

À vous de tout cœur.

Berryer

Notes

1Légitimiste fidèle, François-Alfred Walsh (1814-1876) est conseiller général du Maine-et-Loire ; il demeure dans sa propriété familiale, le château de Serrant, à Saint-Georges sur Loire, en Maine-et-Loire.
2Quelques jours auparavant 2000 personnes étaient venues à la gare d'Angers accueillir le retour du Gl Lamoricière. Étaient présents les évêques de Nantes et d'Angers et tout le clergé d'Angers. Dans une lettre du 20 novembre 1860 à Berryer, Walsh ajoutait « Falloux tenait tout ce monde-là dans la main. Les cris de Vive le pape Vive Lamoricière ont duré plus d'une demi heure ». Arch. Nat. Fonds Berryer AP 233.
3Le décret du 24 novembre 1860 venait de restituer aux Chambres le droit d'adresse et d'autoriser les comptes rendus des débats du Corps législatif et du Sénat.  

Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «30 novembre 1860», correspondance-falloux [En ligne], Second Empire, Année 1852-1870, Année 1860, CORRESPONDANCES, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES,mis à jour le : 04/04/2013