Année 1853 |
25 décembre 1853
Alfred de Falloux à Pierre-Antoine Berryer
Bourg d'Iré, jour de Noël
Mon bien cher ami,
Je reçois vos deux lettres à la fois et je ne sais de laquelle vous remercier le plus. Je ne répondrai, pour le moment, qu'à l'accident Jouvenel, d'une telle façon que je suis obligé, même pour ce peu de mots, de recourir à une main amie. J'ai traité la lettre de M. de Jouvenel1 avec tant de dédain que je ne l'ai que très imparfaitement lue et tout aussitôt oubliée. J'en ai fait autant de ma réponse, mais je suis sur qu'elle était en termes tout à fait insignifiants. Ce qui m'a empêché de lui répondre durement, c'est la crainte (à laquelle je trouve qu'en général nous ne nous arrêtons pas assez) d'intéresser contre nous la masse des gens de bonne volonté, tant au Corps législatif qu'ailleurs qui se trouvent lancés dans tout ceci. Quoi qu'il en soit, j'ai écrit tout aussitôt à M. de Bertou de m'envoyer le n° du Pays. Ayant à m'expédier une caisse, il a eu la bizarre idée de me mettre le journal dedans. À l'heure où je vous écris, cette malheureuse caisse n'est pas encore arrivée, en sorte que je me trouve ne connaître clairement ni la lettre qu'on m'a écrit il y a trois mois, ni ce que j'ai répondu, ni ce qu'on a imprimé à Paris. Ce qui ne laisse pas que d'être gênant pour faire justice, ce à quoi je serais tout aussi disposé que vous. En attendant, S[ain]t-Chéron2 avait publié un démenti spontané que j'ai, dès hier, prié Mr de Riancey de répéter dans l'Union, me voyant moi-même désarmé de toutes pièces. Cela ne vous prouve-t-il pas mieux que tout le reste à quel point je suis devenu campagnard et naïf ? J'espère pourtant que ce n'est pas cela qui vous dégoûtera de moi.
A. de Falloux.
Votre lettre à Albert part aujourd'hui même pour Pau où il croit passer tout l'hiver sans en être bien sûr.