Paris, 20 janvier 80
Cher ami, je complète ma lettre d'hier en vous disant qu'à la séance de l'Académie qui l'a suivie un grand pas a été fait dans le sens de la candidature de Maxime du Camp1. Il a maintenant seize à dix-sept voix assurées : il n'en faut plus que deux à trois, et on ne désespère pas de les avoir. La difficulté principale est que parmi ceux qui lui promettent leur concours, les uns veulent voter Labiche2, en même temps, les autres (comme moi) pour Wallon3. Mais comme il y a deux fauteuils, je crois qu'on arrivera à s'entendre.
L'importance de répondre à la résurrection de la Commune par la nomination de l'homme courageux qui lui a si bien dit son fait ne vous échappera pas. J'ai donc cru pouvoir l'engager en votre nom. Mais il faut garder encore le secret, parce qu'on ne veut pas produire la candidature et la livrer aux attaques de la Presse avant que le canevas fut complet. Champagny4 et le duc de Noailles m'ont promis leur voix.
Mille amitiés dévouées.
Broglie
Notes
Du Camp, Maxime (1822-1894), essayiste et romancier. Proche de Flaubert, il fut un des fondateurs de la Revue de Paris qui publia Madame Bovary. Collaborateur de la Revue des Deux Mondes, il était l'auteur de plusieurs ouvrages dont les Convulsions de Paris, il sera élu à l'Académie française le 26 février 1880.
Labiche, Eugène (1815-1888), auteur de pièces de théâtre, il sera également élu à l'Académie française le 26 février 1880.
Wallon, Henri Alexandre (1812-1904) historien, professeur et homme politique. Député à l'Assemblée constituante de 1848 et réélu à l'Assemblée législative, il démissionna en 1850 en désapprobation des mesures prises par la majorité pour restreindre le droit de vote. Il se tiendra à l'écart de la vie politique durant tout le Second Empire. De retour sur la scène politique après la chute de l'Empire, il se fit élire à l'Assemblée nationale du 8 février 1871 où il se fit un nom en faisant voter l'amendement qui porte son nom et qui fut à l'origine des lois constitutionnelles de 1875 fondatrices de la Troisième République. Ses nombreux travaux sur l'esclavage dans les colonies françaises et dans l'antiquité lui ouvriront les portes de l'Académie française.
Champagny, François-Joseph-Marie-Thérèse Nompère, dit Franz, comte de (1804-1882), écrivain ultra-catholique. Il fut le collaborateur de l’ancien comme du nouveau Correspondant, de L’Ami de la Religion et de la Revue contemporaine. Élu à l’Académie française le 29 avril 1869, en remplacement de Berryer.
Notice bibliographique
Pour citer ce document
, «20 janvier 1880», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, 1880, CORRESPONDANCES, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES,mis à jour le : 07/04/2013