CECI n'est pas EXECUTE 19 août 1872

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19 août 1872

Alfred de Falloux à Jules de Bertou

Caradeuc, 19 août 1872

Cher ami,

Albert [de Rességuier] est parti pour Auch, Hôtel de France, Gers, avec l'intention d'y demeurer avec le conseil général, plus ou moins longtemps, selon l'intérêt des affaires auxquelles il se trouve mêlé comme représentant des intérêts locaux, quoiqu'il ne soit officiellement que le défenseur des intérêts politiques. Il s'agit de la même corne que celle dont vous me parlez pour Antoine, quoique celle d'Albert soit moins authentique, et sans qu'on en connaisse au juste la longueur. De là, il doit aller à Sauveterre1, Pérignon2 étant momentanément transporté dans la Nièvre. Vous voyez que je ne cherche pas à intercepter votre correspondance, et je puis vous assurer que le pétulant interrupteur n'a point subi mon influence dans ses jugements politiques à votre égard ; vous lui en avez assez dit par votre propre bouche, pour qu'ils gémissent aussi profondément que moi, de son propre mouvement, sur vos aberrations politiques. Son amitié est comme la mienne, elle en souffre, mais elle n'en diminue pas, et il faut bien que vous preniez votre parti de ne point être encouragés au même degré, par les jeunes chevaux légers et par les vieilles rosses parlementaires ! Cette explication, jointe à l'adresse d'Albert [de Rességuier], qui me paraissaient pressées l'une et l'autre, m'empêche d'écrire à Madame de Castellane, comme je me l'étais proposé, pour lui demander d'être mon interprète auprès de la princesse Radziwill3, à qui je n'ai point souhaitez la fête ; veuillez donc vous constituer mon avocat généreux et assurer la princesse que si je suis inhabile aux compliments, je n'en suis pas moins très fidèle dans les sentiments. Madame de Caradeuc4 ne s'explique point le retard de sa lettre, qui a du être suivie par une de Marie, en même temps que vous en receviez une de moi, à propos de du Réau5 l'enchanteur. Le même propos me porte à vous dire aujourd'hui que le marquis de Coislin6 et ses amis n'hésite plus entre les d'Orléans et les bonapartes ; ils sont tout à fait décidés pour l'Empereur, et il faut vous attendre à en voir quelques-uns saisis au premier matin sur les liens de Trouville. En attendant, Georges de Cadoudal7 est leur candidat dans le Morbihan, en remplacement du général Trochu8. Vous rappelez-vous l'avoir vu chez moi ? Je vois que les trains de Rochecotte à Tours ne sont pas tous des trains de plaisir, et je vous prie de bien offrir mes condoléances aux voyageurs, parmi lesquels je suis heureux de compter cependant le cher Georges. Aucun journal ne me parle de la Revue des Deux Mondes, et du petit Duvergier. Je vous serais donc très reconnaissant de me donner la suite du débat quand il en aura une. Je vois que le genou du prince Radziwill9 est tout guéri. Mon frère s'annonce pour le 24 à Montauban, à midi, sans donner aucun détail sur les points qu'il touche en route, et tout l'ensemble de son très court billet donnant à croire qu'il arrivera d'un trait de Marseille à Caradeuc. Une lettre de ce matin nous fait craindre que Madame de Narcé ne soit à toute extrémité, et M. de Madden vice-président du comité secret, est mort. Cela renouvelle bien vivement en moi la tentation de donner ma démission de la présidence, où je pourrais être remplacé par Fitz-James10 et M. de Madden par Henri de La Salmonière11. Cela donnerait au canton de ce gré qu'à celui de montre vous. C'est bien tentant et je ne suis pas sûr de résister jusqu'au bout. En attendant mille tendresses et au prochain revoir.

Alfred

Notes

1Château appartenant aux Rességuier, dans le Gers.
2Geneviève de Rességuier (1840-1889), la fille aînée d'Albert de Rességuier avait épousé Dieudonné Henri Marie de Pérignon (1840-1889).
3Marie Dorothée Elizabeth Radziwill, née de Castellane (1840-1915).
4Emilie-Charlotte de Caradeuc, née de Martel (1800-1882), belle-mère de Falloux.
5Réau, Zacharie Raoul de La Guaigonnière du (1812-1902), conseiller général du Maine-et-Loire. Légitimiste et profondément catholique, ancien zouave pontifical, il sera anobli en 1874 par Pie IX
6Coislin, Adolphe du Cambout de (1805-1873), marquis. Ancien page de Louis XVIII, il faisait partie, jusque là, comme du Réau des partisans de la fusion.
7Cadoudal, Georges de (1826-1894), neveu du chef chouan, conseiller général du Morbihan (canton de Saint-Jean Brévely) depuis 1871.
8Louis Jules Trochu (1815-1896), général français. Aide de camp de Bugeaud, puis du prince Louis-Napoléon, il vota néanmoins contre l'Empire, mais n'en fut pas moins nommé colonel, puis général (1854). Nommé gouverneur de Paris pendant la guerre franco-allemande de 1870, il devient, suite à la proclamation de la République, président du Gouvernement de la défense nationale, le 4 septembre 1870. Soupçonné d'incapacité, on exige sa destitution le 19 janvier; il démissionnera trois jours plus tard après une fracassante déclaration au cours de laquelle, il suggère la capitulation.  
9Radziwill, Antoine, prince (1833-1904), il avait épousé, en 1857, la sœur d'Antoine de Castellane, Marie Dorothée Élisabeth de Castellane (1840-1915).
10Fitz-James, Édouard, Antoine, Sidoine de (1828-1906), propriétaire du château de la Lorie, près de Segré, en Maine-et-Loire, et donc voisin de Falloux auquel il est lié d'amitié.
11La Salmonière ; Henri Bonaventure Goguet de (1797-?), militaire.

Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «19 août 1872», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, 1872, CORRESPONDANCES, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES,mis à jour le : 29/04/2013