1873 |
23 janvier 1873
Alfred de Falloux à Jules de Bertou
Angers, 23 janvier 1873
Cher ami,
C'est moi qui vous remercie ce matin de votre lettre à Madame Caradeuc1, et vous pouvez être bien sûrs de l'unanimité du sentiment qu'elle a fait naître en nous ! Quant au général Trochu, je tiens au même degré et à lui donner Madame Swetchine2 et à ce que ce don passe par vos mains. Je vous porterai donc un exemplaire en allant à Rochecotte, si je puis y aller d'ici à quatre ou cinq jours, comme j'espère, et je vous l'enverrai par la poste, si une crise mêlée d'un gros rhume, qui m'a retenu dans mon lit hier, et ne s'éloigne guère aujourd'hui, le rhume surtout, me faisait différer un peu davantage.
Je suis consterné de la séance de mardi. Elle dépasse en cécité politique ce que nous avions vu jusqu'à présent. Disloquer la majorité sur une question ministérielle, au moment où l'on combat pour la responsabilité des ministres, et cela par des zones indépendantes, comme MM. de Broglie, de Mérode, d'Harcourt3, d'Haussonville4, Benoist d'Azy, c'est vraiment à désespérer de l'avenir, si Dieu n'y mais pas de l'entêtement. Les messes du 21 janvier5 ne me rassurent pas beaucoup plus ; j'ai peur que ce ne soit la monnaie d'un refus, au lieu des prémices d'une adhésion. Par une singulière bizarrerie, ce sont, parmi nous, les plus hostiles aux princes d'Orléans qui croient toujours à leur conversion, et ce sont ceux qui comme moi, ont pris pour point de départ leur inflexibilité sur quelques points, qui sont plus conciliants, parce qu'ils sont plus incrédules et poursuivent la transaction parce qu'il ne croit pas à la soumission. En attendant que cet imbroglio est un terme, Fresneau m'a prophétisé que tout serait fini d'ici à trois mois !
Au revoir, au revoir, Alfred.