CECI n'est pas EXECUTE 26 février 1873

1873 |

26 février 1873

Charles de Lacombe à Alfred de Falloux

Versailles, 26 février 1873 *

Cher ami,

Il faut bien, au milieu des préoccupations publiques que je passe par de ma joie de famille. J'ai un fils depuis dimanche soir, et il va aussi bien que possible, ainsi que la mère. Je suis sûr que vous accueillerez cette nouvelle avec plaisir.

Que vous dirai-je, d'ailleurs ? Vous savez combien la pauvre commission des Trente1 est attaquée. Son œuvre n'est pas parfaite, tant s'en faut. Elle est comme la situation. Nous avions à faire un appareil pour un infirme. Ce n'est pas le manifeste qui a pu nous inspirer le regret de ne détermination. Où en serions-nous si nous étions arrivés à la chambre en conflit avec M. Thiers, avec la lettre du comte de Chambord pour nous aider à soutenir la lutte ? Ce n'eut pas été une défaite, mais une déroute, et qui sait ce qu'il eût fallu de temps et d'épreuves aux conservateurs pour s'en relever. C'est en voulant aller à Berlin qu'on a perdu Metz et Strasbourg. Nous aurions eu politiquement notre Sedan, et la République en serait sortie une seconde fois. La droite le sens, bien que les amour-propre engagés, les susceptibilités personnelles, les faux départs empêchent un certain nombre, et des plus intelligents, de conformer leur conduite à ce sentiment. La discussion menace d'être longue, et, jusqu'au dernier moment, elle peut avoir des imprévus. Elle en a eu hier dans un vaillant discours de Castellane, très bien dit, très bien fait, mais que seul il pouvait prononcer, parce que, n'engageant que sa personne, il n'avait pas à se préoccuper des conséquences. Il avait bien choisi son modèle, puisqu'il s'est inspiré de ; mais les temps n'étaient pas les mêmes, et parlant sur une proposition de révision, dont vous aviez soin de dire qu'elle s'imposait à vous, vous saviez que la question, telle que vous la posiez, ne serait pas l'objet d'un vote spécial qui eût pu être une défaite, mais d'un vote général sur la révision, dans lequel des points de vue divers pourraient se réunir. Toutefois, je n'ai pu me priver du plaisir de dire à quelques chevau-légers, enchanté du discours, que cette proposition d'arbitrage entre le pays et les princes, déféré à l'assemblée, proposition dont ils étaient si ravis, était précisément ce qui, l'an dernier, vous avez valu de leur part tant de violences de langage. Je pense que nous entendrons aujourd'hui Gambetta, qui flatte beaucoup l'extrême droite en ce moment. Le général du Temple nous promet aussi, à nous trente, une charge dont nous nous souviendrons.

Adieu, cher ami, ce serait bien le moment de venir nous voir. Vous nous fortifiriez, et peut-être, si vous étiez là pour repousser, n'aurais-je pas si peur de la tribune. Veuillez offrir mes hommages les plus respectueux à Mme de Caradeuc et à Mme de Falloux. Je vous embrasse de tout cœur.

Ch. L.

*Lettre publiée dans Journal politique de Charles de Lacombe, Paris, Picard, t. I, 1907.

Notes

1Présidée par le légitimiste Roger de Larcy, la Commission des Trente créé le 28 novembre 1872 était chargée de rédiger une nouvelle constitution.  

Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «26 février 1873», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, 1873, CORRESPONDANCES, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES,mis à jour le : 30/04/2013