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La question de l'enseignement

La liberté de l'enseignement

  Le pèlerinage de Belgrave Square et l'affaire des «flétris» avaient paru mettre un terme aux dissensions entre légitimistes. Véritable camouflet pour le pouvoir, la réélection des «flétris» avait eu pour conséquence de creuser encore un peu plus le fossé qui séparait les orléanistes des fidèles du comte de Chambord. Avec la lutte pour la liberté de l'enseignement, l'occasion va bientôt être offerte aux uns et aux autres d'amorcer un rapprochement. Véritable initiateur de ce combat, auquel il s'était préparé dés 18361, Montalembert exigeait du gouvernement que la liberté de l'enseignement, comme le prévoyait la Charte, soit enfin appliquée. Il réclamait que soit étendu à l'enseignement secondaire le régime libéral accordé au primaire par la loi Guizot de 1833. Cette loi, qui stipulait que l'instruction primaire pouvait être ou privée ou publique, ouvrait en effet une première brèche dans le monopole de l'enseignement d'état instauré par Napoléon Ier.   

Aucun des ministres de l'Instruction publique qui succédèrent à Guizot, qu'il s'agisse de Salvandy, Cousin ou Villemain, ne proposèrent de réformes allant dans le sens souhaité par Montalembert. En dépit d'une amélioration sensible de ses rapports avec le clergé, le gouvernement renâclait à concéder aux catholiques une liberté susceptible d’être utilisée contre lui.  

En 1842, l'épiscopat, qui s'était contenté jusque là de défendre l'indépendance des petits séminaires commença à bouger. Légitimiste intransigeant et gallican opiniâtre, le vieil évêque de Chartres, Clausel de Montals, entra en lice contre le gouvernement. Il fut relayé peu après par l'évêque de Belley qui entendait dissuader les fidèles d'envoyer leurs enfants dans «ces écoles de pestilence»2, puis par le cardinal de Bonald, archevêque de Lyon, qui menaçait de retirer les aumôniers des collèges de l’État. D'autres évêques interviendront dans ce sens.

Dans le même temps, émanant de prêtres et abbés, plusieurs brochures au ton revendicatif plus ou moins vif furent également publiées. Enfin, le clergé reçut le renfort de L'Univers dont le rédacteur en chef n'était autre que le bouillant L. Veuillot. Entré au journal en 1840, il en était devenu le maître dés 18433. Il était servi par une verve mordante et une plume alerte, mais la mesure et la nuance n'étaient pas, loin s'en faut, ses meilleurs atouts. Cela lui vaudra la défiance voire l'inimitié de ses contemporains y compris parmi les catholiques. Mgr Affre en particulier, désapprouvait son tempérament intempestif.  Ses rares soutiens étaient, pour l'heure Lacordaire et Foisset.

Quoi qu'il en soit, le mouvement que Montalembert avait tant espéré semblait se dessiner. Ses efforts pour mettre à bas le monopole et obtenir la liberté d'enseignement nécessitaient un véritable plan d'action. Il lui fallait tout d'abord mobiliser l'ensemble du corps épiscopal et derrière lui le peuple catholique. Il décida de constituer un comité d'action dont le patronage serait confié à Mgr Affre et dont feraient partie Lacordaire, le père jésuite Ravignan et l'abbé Dupanloup. Montalembert souhaitait également y faire entrer L. Veuillot, même si certains des excès du polémiste le heurtaient: «Sans doute L'Univers est bien difficile à diriger, je déplore ses excès; je n'approuve pas qu'il compare les blasphèmes de Michelet à des saucisses suspendues chez un charcutier...Mais trouvez-moi dans les circonstances actuelles un journal catholique qui ait sa valeur...4.» Recevant Montalembert au siège de L'Univers, Veuillot s'empressa de répondre favorablement à l'appel de celui qu'il considérait comme le chef incontesté des catholiques.

En revanche, Mgr Affre déclina l'offre qui lui était faite de diriger la campagne des catholiques, sans doute par souci de ménager le gouvernement. Adjurant vivement son ami d'aller de l'avant, Lacordaire lui conseilla de publier une brochure plate-forme. Montalembert se mit au travail dés son retour à Madère où il résidait depuis 1842, les médecins ayant recommandé un climat chaud pour sa femme malade. Intitulé Du devoir des catholiques dans la question de la liberté d'enseignement, le manifeste fut publié en septembre 1843. Montalembert y déplorait l'état moral et religieux où se trouvait la France; «jamais et nulle part, on n'a vu une nation aussi officiellement irréligieuse». A ses yeux, la cause principale de cette situation résidait dans l'éducation de la jeunesse, livrée au monopole de l’État. Le remède était donc simple: il fallait supprimer ce monopole. Cette mesure n'impliquait nullement la destruction de l'Université, mais l'établissement, conformément à la Charte, de la liberté. Montalembert ne manquait pas de citer en exemple les pays où régnait cette liberté: l'Angleterre, la Belgique et les Etats-Unis. Enfin, pour faire plier le gouvernement, il invitait à la mobilisation: «Les catholiques n'ont rien à espérer des Chambres ni de la couronne. Ils ont depuis trop longtemps l'habitude de compter sur tout, excepté sur eux-mêmes. Dans la vie publique, ils sont catholiques après tout, au lieu de l'être avant tout...Ils n'obtiendront jamais rien jusqu'à ce qu'ils se décident à agir virilement...» Il prônait l'intervention des catholiques à tous les niveaux, celui des luttes électorales comme celui de la presse (pétitions, brochures etc.).  

Accueilli avec le plus vif enthousiasme par les amis de Montalembert, ce manifeste, qui jetait les bases du parti catholique, fut diversement apprécié par l'épiscopat, l'Université et le gouvernement. Les évêques, pour la plupart, montraient encore peu d'empressement à s'engager dans l'agitation à laquelle les incitait Montalembert. Mais leur position va très vite évoluer grâce à Mgr Parisis décidé à ne pas ménager ses critiques à l'égard du pouvoir. Evêque de Langres, Mgr Parisis était franchement rallié au régime de Juillet mais ultramontain. Totalement acquis aux idées de Montalembert, il va multiplier les mandements, les lettres et les brochures contribuant au ralliement de la majorité des évêques à la campagne pour la liberté de l'enseignement.

Cette campagne embarrassait le pouvoir. Louis-Philippe souhaitait faire des concessions5. Mais plusieurs membres du gouvernement étaient d'un avis contraire, et notamment Villemain, le ministre de l'instruction publique, qui subissait les pressions des universitaires.  Minoritaires dans le pays, les partisans du monopole de l'Université avaient à leur tête A. Thiers, V. Cousin, J. Michelet, E. Quinet et B. Constant. Plusieurs journaux dont le Constitutionnel et le Journal des Débats se faisaient l'écho du combat des universitaires contre le clergé et les jésuites qu'ils ne cessaient de vilipender.

Le débat va brusquement s'animer le 2 février 1844. Ce jour-là, Villemain présentait à la Chambre des pairs un nouveau projet de loi sur la liberté de l'enseignement. En dépit de certaines concessions, le projet fut jugé moins libéral que les précédents. Il provoqua aussitôt un vif émoi dans le monde catholique. Une mesure était jugée particulièrement vexatoire et inacceptable: l'obligation faite au directeur ou professeur d'un établissement libre de déclarer n'appartenir à aucune congrégation religieuse. Le comité d'action mis sur pied par Montalembert se mobilisa. Recevant les nouvelles les plus alarmantes, Montalembert, très découragé du silence de l’épiscopat et du peu d’empressement des chefs de famille à signer les pétitions du comité,  finira par céder aux pressions renouvelées de ses amis qui le pressaient de rentrer en France pour prendre la tête de la contre-offensive et faire annuler le projet.

De retour à Paris en mars, Montalembert ne put qu'être satisfait de voir à quel point la situation avait changé. Unis pour la même cause, gallicans et ultramontains acceptaient de taire leur différends, «Avez-vous remarqué, écrivait Lacordaire à Mme Swetchine, que c'est la première fois depuis la Ligue que l'Eglise de France n'est pas divisée par des querelles et des schismes? Il n'y a pas quinze années encore, il y avait des ultramontains et des gallicans, des cartésiens et des mennaisiens, des jésuites et des gens qui ne l'étaient pas, des royalistes et des libéraux, des coteries, des nuances, des rivalités...; aujourd'hui tout le monde s'embrasse, les évêques parlent de liberté et de droit commun, on accepte la presse, la charte, le temps présent...Voilà je vous l'avoue un incroyable spectacle, un vrai tour de force de la Providence, et la lutte sur la liberté de l'enseignement n'eut-elle servi qu'à produire ce résultat, il faudrait encore la bénir à jamais»6.

Le projet Villemain fut mis en discussion le 22 avril à la Chambre des Pairs. Il fera l'objet, pendant plus d'un mois, d'un vaste débat au cours duquel Montalembert prendra quinze fois la parole, fustigeant l'odieuse inconséquence du monopole et dénonçant la tyrannie et l'hypocrisie du projet de loi; «On y cherche en vain la liberté promise et solennellement jurée par le roi et tous les membres des deux Chambres. On y trouve que la servitude.»7 Ses trois contradicteurs furent successivement Cousin, le duc de Broglie et Guizot. Si Cousin se fit l'ardent défenseur du monopole d'Université et soutint le projet, le duc de Broglie et plus encore Guizot qui regrettait l'article contre les congrégations religieuses, se prononcèrent en faveur du principe de liberté.   

Malgré quelques amendements jugés insuffisants par Montalembert, le projet fut adopté par 81 voix contre 51. C'était là une semi-victoire pour les catholiques et leur chef qui n'espéraient guère plus de 25 ou 30 voix.

Déposé peu après à la Chambre des députés, le projet avait toutes les chances d'être approuvé d'autant que Thiers, partisan du monopole avait été nommé rapporteur. Mais il ne verra jamais le jour. Suite à la folie subite de Villemain à la fin décembre 1844, le gouvernement se hâta de mettre au rancart un projet qui dérangeait.

Entre-temps, Montalembert, qui continuait de réclamer la liberté complète de l'enseignement, poursuivait ses efforts pour mettre en place son parti catholique. Laissant de côté la question dynastique, fidèles d'Henri V et partisans de Louis-Philippe accepteront peu à peu de se fondre dans ce nouveau parti qui préfigurait le parti de l'Ordre sous la Seconde République. Mais au fil des mois, le rapport de force entre légitimistes et orléanistes au sein des comités catholiques avait basculé au profit des fidèles d'Henri V. Ce déséquilibre n'était pas sans inquiéter les organisateurs. Avant même son retour de Madère, Montalembert ne cachait pas sa méfiance vis-à-vis des légitimistes repoussant toute idée d'alliance avec eux: «malgré les amers mécomptes de la révolution de Juillet, malgré mon aversion profonde pour la démocratie (...), je n'en demeure pas moins convaincu que cette révolution a été un immense service rendu à l’Église et qu'une restauration faite par les hommes que nous connaissons, détruirait tout le bien qui s'est lentement opéré dans les âmes depuis De Maistre jusqu'au P. Lacordaire... » Dans cette lettre adressée à L. Veuillot, Montalembert ajoutait à propos du comité catholique « J'ai toujours pensé que cette association serait nécessaire et qu'elle ne devrait être dirigée que par des hommes en dehors des partis politiques et surtout des légitimistes8.»   

 De leur côté, les légitimistes craignaient que le regroupement des catholiques ne soit en réalité qu’une simple manœuvre pour alimenter le ralliement au régime de Juillet. Leur appui au mouvement catholique s'était accéléré après les débats parlementaires sur le projet Villemain. Ce sont eux qui seront, le plus souvent, à l'origine de la création des comités départementaux pour la défense de la liberté de l'enseignement.   

Quant à Montalembert, sans doute aura-t-il été rassuré par la bienveillance du comte de Chambord sur cette question. En témoigne cette lettre du chef des Bourbons dans laquelle il exprima son point de vue sur la Gazette de Lyon, un organe légitimiste soutenu par Lacordaire et Montalembert: «Ces deux hommes se trompent à notre avis dans certaines questions. Mais certainement ils veulent le triomphe de la religion, sous ce rapport ils sont donc nos frères, et parce qu'ils ne nous rendent pas actuellement justice, ce n'est pas une raison pour que nous ne la leur rendions pas de toute notre âme, et que nous repoussions leurs idées quand elles peuvent être utiles...La religion est en péril, il faut d'abord la sauver. Les fondateurs du journal sont pleins de sympathie pour la légitimité, ils veulent la servir avec prudence. Le triomphe de la religion est le triomphe de toute justice et de tout droit...S'il y a silence sur les principes il n'y aura pas silence sur les hommes, et surtout pas un mot d'adhésion aux principes de juillet ou de sympathie pour la dynastie actuelle. Pas une ligne pour faire sous le manteau des partisans à la révolution»9.    

 Alors que plusieurs légitimistes, son ami Riancey notamment, étaient sollicités pour entrer au comité laïc de défense de la liberté de l'enseignement, Falloux paraissait se tenir quelque peu à l'écart, se contentant d'encourager Montalembert et de le féliciter pour ses discours. Il plaidait toutefois sans ambiguïté pour la formation du parti catholique: «Je crois que les catholiques ont besoin de se rallier sous le drapeau commun qui les mène au combat ou au martyre après 1800 ans au lieu d'élever les uns contre les autres des pavillons de fantaisie10. » Bien plus, dans la mesure de ses moyens, et de manière discrète, il prit part à la consolidation du mouvement en province. En novembre 1844, il était devenu l'un des fondateurs de L'Union de l'Ouest, un journal angevin destiné à épauler le combat de Montalembert. Il semble que ce journal ait été créé, quelques mois plus tôt, à l'initiative de Mgr Angebault, l'évêque d'Angers, de son vicaire général, Bernier, et du comte Théodore de Quatrebarbes, un ardent légitimiste11. Eloi Jourdan, plus connu sous le pseudonyme de Charles Sainte-Foi, avait été choisi comme gérant. Le journal parût pour la première fois le Ier février 184512. Dans le prospectus de lancement, les fondateurs s'affirmaient «avant tout catholiques», indiquant que leur principal objectif était de défendre leur foi «contre les attaques que l'ignorance et les passions lui suscitent de toutes parts.» Le journal précisait néanmoins qu'il aborderait les autres questions, concernant «la France, ses intérêts, sa gloire». «Placés, comme nous le sommes, au-dessus de tous les partis, disaient les fondateurs, et ne voulant servir que l’Église et la France, il nous sera facile d'être à l'égard de tous justes et indépendants, indulgents et sévères à la fois.»  Le journal indiquait également qu'il serait présent dans le débat électoral et qu'il ne refuserait aucun concours «qu'il soit conservateur, légitimiste ou radical...pourvu qu'il veuille ce que nous voulons: liberté de l'Eglise, liberté d'enseignement.» Enfin, la défense des classes laborieuses ne serait pas oubliée, «nous étudierons avec un soin particulier les questions qui s'y attachent, persuadés que l'avenir de la France dépend en grande partie de la solution que les événements ou les hommes donneront à ces questions...»13.

A peine le journal fut-il fondé que de vives tensions opposèrent ses collaborateurs. Gallican irréductible, Bernier n'avait guère apprécié, semble-t-il, que l'abbé Jules Morel, un ancien mennaisien, soit nommé directeur du journal. Une première passe d'armes avait eu lieu dés la sortie du deuxième numéro. Protestant contre la publication de l'ouvrage d'Eugène Sue, Le Juif-errant, qui, à Angers comme ailleurs se taillait un franc succès, Eloi Jourdan y faisait l'apologie des Jésuites. Bernier avait aussitôt réagi, dénonçant l'orientation ultramontaine de ceux qui «entendent faire de ce journal le drapeau d'un parti»14. Un peu plus tard, le 8 juin 1845, Bernier renouvela ses critiques dans une circulaire publique, Lettre sur le journalisme religieux. Le vicaire mettait en garde le clergé contre le nouveau journal dont les rédacteurs formaient «un parti qu'on appelle la queue de Lamennais.»  La circulaire provoqua un vif émoi dans tout le diocèse. Directement mis en cause, l'abbé Morel et E. Jourdan refuseront de répondre. Si Falloux pouvait comprendre leur position, il estimait Bernier trop dangereux du fait du poste qu'il occupait pour que le journal garde le silence. Il écrivit à Dom Guéranger: «C'est aux hommes indépendants à agir pour eux. M. de Quatrebarbes et moi, actionnaires de L'Union allons prendre fait et cause vis à vis de l'évêque et lui présenter à huis clos des doléances fort énergiques et très motivées15.» Falloux craignait néanmoins que l'empire du vicaire sur son évêque, homme peu énergique et conciliant, ne soit trop difficile à ébranler. Sa situation de laïque pouvant le desservir, il concluait sa lettre en demandant à l'abbé de Solesmes d'écrire à l'évêque ou au clergé du diocèse d'Angers. En vain. Il fera  néanmoins savoir à Mgr Angebault qu'il n'avait jamais été, ni de prés ni de loin un disciple de Lamennais: «Je n'ai jamais mis le pied à la Chesnaie, je n'ai jamais échangé une seule parole avec M. de La Mennais, je ne suis donc pas plus lamennaisien que je ne suis enrôlé dans aucune école exclusivement ultramontaine ou gallicane»16.

Falloux désirait clarifier l’affaire. Ayant convié Bernier et trois autres prêtres de la région à venir s'entretenir avec lui, au Bourg d’Iré, il pria l'évêque de se joindre à eux et de se constituer juge entre son vicaire et lui. Avoir offensé l'épiscopat très soumis au pape, et en particulier l'évêque de Langres (Mgr Parisis), entretenir des préventions inexplicables contre les laïques catholiques, s'obstiner dans un gallicanisme teinté de jansénisme, tels étaient les torts de son adversaire. Mais les points de vue des deux hommes étaient trop éloignés pour qu'un arbitrage puisse les réconcilier. L’évêque refusa de condamner son vicaire. Il dut néanmoins s’en séparer quelques années plus tard.

 Quoi qu'il en dise,  Falloux était solidaire de l'école ultramontaine. En témoigne son soutien, encore timide, à Dom Guéranger, au cours de la polémique qui avait éclaté peu auparavant lors de la publication de son second volume des Institutions liturgiques. Partisan d'un retour à la liturgie romaine, l'auteur accentuait les accusations qu'il avait déjà porté en 1840 contre la variété des liturgies en usage dans l'église de France.  Mis en cause par Mgr Portalis, archevêque de Toulouse, et, Mgr Fayet, évêque d'Orléans, l'abbé de Solesmes avait fait paraître à la fin de 1844 une «Défense des Institutions liturgiques». Jules Morel l'en avait félicité «Votre trait, votre ironie, votre netteté de discussion sont toujours les mêmes, votre éloquence, vos vues prophétiques, votre ascension aux idées générales augmentent de volée.» Partageant cette admiration, Falloux s’inquiétait néanmoins de savoir  si «une si verte semonce faite à un archevêque en cheveux blancs» (Mgr Portalis) n'allait pas heurter les catholiques. Que dira M. Montalembert à la tribune, se demandait Falloux, si MM. Portalis (archevêque de Toulouse) et autres lui répondent: «Vous nous traitez comme les ultramontains réguliers ou laïques traitent les confesseurs de la foi.» Jules Morel, Falloux en ferait l'expérience quelques années plus tard, n'avait que faire de tels scrupules et, malicieusement, commentait «Falloux voudrait qu'on ne réfutât jamais un évêque français qu'en renonçant de soi-même à la moitié de ses moyens, et à la meilleure...»17. La polémique allait durer encore une quinzaine d'années, jusqu'à ce que les évêques de France adoptent le rite romain.

Notes

1Cette année-là, Guizot avait présenté un projet de loi qui s'inspirait très nettement des principes de liberté chers à Montalembert. La chambre vota néanmoins un amendement qui enlevait à la loi son caractère libéral provoquant la déception de Montalembert.
2R. P. Lecanuet, Montalembert, t. II., p. 163
3Selon l'une des plus récentes biographies qui lui ont été consacré, L. Veuiilot était devenu rédacteur en chef en  de L'Univers en 1842. Un an plus tard, Du Lac qui était alors directeur du journal entrait dans les ordres laissant Veuillot devenir totalement maître de son orientation, Brown, Louis Veuillot,  
4Montalembert à Foisset, 11 novembre 1843. cité par R. P. Lecanuet, op. cit., p. 167
5Voir Ph. Tollu, Montalembert p. 111
6Lacordaire à Mme Swetchine, 16 juin 1844, publiée par A. de Falloux.
7Cité par Ph. Tollu, p. 119
8Montalembert à Veuillot, 13 janvier 1844, de Madère, BNF, Naf 24633.
9AP Berryer/3, Montbel communique à Berryer ce que le Prince lui aurait dit, 13 avril 1845.
10Falloux au vicomte de Puységur, 24 juillet 1844 (Arch. Menomblet), cité par R. Rancœur, Falloux de 1835 à 1848.
11La décision fut prise en juin 1844 selon Albert Houtin, Un dernier gallican: Henri Bernier, chanoine d'Angers: 1795-1859, 2ème éd. Paris, E. Noury, 1904, 482 p.
12Le journal dont les numéros des années 1845 à 1847 sont introuvables selon Rancœur, va paraître jusqu'en 1891, devenant sous le Second Empire, le principal organe, en province du catholicisme libéral.
13R. Rancœur, op. cit.
14Cité par A. Houtin, op. cit., lettre de Bernier à L'Union de l'Ouest, le 1er mars 1845.
15Cité par A. Houtin, op. cit.
16Faloux à Mgr Angebault, Bourg d'Iré, Ier juillet 1845, cité par R. Rancœur, op. cit., (BN.F, Naf. fr., copie).
17Citée par A. Houtin, op. cit.

Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «La question de l'enseignement», correspondance-falloux [En ligne], BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, BIOGRAPHIE d'ALFRED DE FALLOUX, Entrée en politique,mis à jour le : 09/05/2013