CECI n'est pas EXECUTE 7 janvier 1874

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7 janvier 1874

Alfred de Falloux à Jules de Bertou

Bourg d'Iré, 7 janvier 1874

Cher ami,

Depuis que j'ai répondu à Mme de Castellane sur l'incertitude de mes dates par la prière de n'en pas tenir compte, j'ai reçu un appel inattendu et qui me met au pied du mur pour un parti décisif. M. Saint René Taillandier doit être reçu à l'Académie le jeudi 22, et au nom du père Gratry dont il doit prononcer l'éloge autant qu'au sien propre, me demande de lui servir de parrain. Le scrutin étend le 29, il m'était bien difficile d'arriver le 24 ou le 25, en déclarant qu'il m'avait été impossible d'arriver le 21. En même temps M. Julien, qui est de la Drôme, désire vivement aller souhaiter la bonne année à ses vieux parents. J'ai donc fini, après beaucoup d'hésitation, par m'engager envers M. Taillandier, ce qui ajourne forcément la visite de Rochecotte à mon retour. Mme de Castellane peut donc compter sur moi, sauf la volonté de Dieu, pour les tout premiers jours de février. J'y gagnerai de vous arriver plus intéressant. Cependant, j'aurais fort aimé à commencer par vous, sans préjudice du retour ; mais ma poitrine est encore en trop mauvais état pour que je risque plusieurs déplacements, plusieurs couchers, dans le moment le plus froid de la saison. Si ma toux se calme tout-à-fait, ce qui est encore fort douteux au moment où je vous écris, je gagnerai donc Paris par le plus court aussitôt qu'il y aura un peu de détente dans le temps, avant le 22, et si cette détente ne survient pas, j'avertirai M. Taillandier assez à temps pour qu'il puisse se choisir un autre parrain. Priez Mme de Castellane, avant de se plaindre de moi, de me tenir comme enrichi d'une souffrance de plus, que je ne guérirai pas plus que les autres désormais, celle de la poitrine, souffrance qui aura du moins cela de bon qu'elle me corrigera du grand air et me raccommodera avec tous les petits soins.

Je suis si révolté de l'odieux métier accepté par M. Laurentie1, à l'âge où la conscience devrait devenir plus sévère, que je ne renouvellerai pas mon abonnement à l'Union, qui expire le 15.

Si à partir de cette date vous trouvez quelque article dans lequel je suis positivement intéressé, envoyez-le moi sous bande, ou gardez-le moi, selon l'urgence. Vous aurez lu le grand crime commis à la Roche-en-Brénil2 par l'évêque d'Orléans, lequel n'a prononcé aucun discours, sauf quelques mots d'émotion pieuse, à l'instant de la communion. Quant à l'inscription, fantaisie que Montalembert s'est accordée sans nous en avertir, je l'ai apprise par l'Univers, si toutefois l'inscription existe, car je n'en ai aucun certitude, et je m'informerai près de Mme de Montalembert3, à notre prochain revoir, non pour l'importance de la chose, qui en tous cas ne peut en avoir aucune, mais pour la mesure du plus ou moins de mensonge dans des haines que nos morts et nos retraites ne peuvent calmer.

Au revoir, au revoir, Alfred.

Ne m'annoncez pas à Paris et ne parlez point de mon parrainage, car si je fausse compagnie au dernier moment, ce ne serait pas poli pour celui qui me remplacera et devra croire qu'il est le premier choisi.   

Notes

1Laurentie est alors le directeur de l'Union, organe des légitimistes.
2Allusion à Ecclesia libera in libera patria, l'inscription que Montalembert avait fait graver en 1863 dans la chapelle de son château de La Roche-en-Bresnil dans le Doubs, sous les auspices de Mgr Dupanloup et qui avait suscité de vives polémiques avec les adversaires du catholicisme libéral, en particulier Louis Veuillot.
3Marie-Anne Henriette Ghislaine dite Anna de Montalembert( 1818-1904), née de Mérode, veuve de Charles de Montalembert.

Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «7 janvier 1874», correspondance-falloux [En ligne], 1874, CORRESPONDANCES, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, Troisième République,mis à jour le : 10/06/2013