CECI n'est pas EXECUTE 29 novembre 1858

Année 1858 |

29 novembre 1858

Alfred de Falloux à Francisque de Corcelle

29 novembre [1858]1

Cher ami,

La remise au 16 décembre vous aura rendu tout le temps de faire parvenir à M. Dufaure2 non un plan de défense complet, cela serait bien impossible dans l'ignorance de beaucoup de détails où vous êtes, et où je ne suis pas moins que vous, mais vos aperçus généraux et vos conseils toujours si élevés, si délicats et pour lesquels nous vous importunerions moins souvent si nous y attachions moins de prix.

Quant aux communications non directes vis-à-vis de vous, que vous aviez reprochées déjà, cher ami, à M. O. Et dont vous vous plaignez aujourd'hui pour l'évêque d'O[rléans], soyez parfaitement sûr que tous deux ont obéi un vrai sentiment de discrétion. Je suis très convaincu que leur cause n'y a rien perdu près de vous, mais je ne voudrais pas qu'il vous en restât une arrière-pensée sur leur personne. Nous ne nous dissimulons ni les uns ni les autres, cher ami, que nous vous causons quelquefois plus d'ombrage et d'inquiétude, que nous ne croyons le mériter. L'évêque d'O[rléans] en particulier. Il aura su sans doute (non par moi en conséquence ce n'est qu'une conjecture) les précautions et les réserves à l'abri desquels vous avaient toujours voulu placer votre collaboration dans le Correspondant et il aura craint de paraître vouloir vous y engager plus que votre volonté en entamant là-dessus une correspondance spéciale avec vous. Vous voyez que moi-même qui suis toujours si raient somptueusement confiant envers vous, je vous ai transmis sa requête sans y rien ajouter de mon fait. Ne nous gronder donc part, cher ami, de nos ménagements, et craignez plutôt de nous en corriger.

Pour mon propre compte, je vous inquiéterais moins si vous aviez sous les yeux les excitations auxquelles j'ai résisté. Vous verriez que la force d'arriver et les préoccupations de vos conseils ne me manquent pas. Vous verriez même que mes points de vue et mon langage, dans ces cas-là, sont identiquement les vôtres. Je n'avais pas cru y manquer autant que vous le croyez en maintenant purement et simplement mon terrain dans mes vingt lignes de préface. Voilà tout ; maintenant je n'ai plus rien à écrire sur ce sujet. Ce qu'on écrit sur mon compte ne m'anime pas plus cet automne que cet été. Ma part d'action dans le Correspondant s'est toujours exercée et s'exercera toujours en faveur de la ligne la plus modérée, la plus calme, la plus exempte de personnalité. La non reproduction de la lettre de Montalembert en fait foi. Loin de presser le correspondant de reproduire ma préface, j'avais écrit d'avance les motifs que je croyais propres à en détourner, et me suis refusé formellement à l'insertion des notes qui étaient polémiques à mes yeux comme aux vôtres. Le tout vous soit dit ou rappelé, cher ami, non pour arrêter votre franchise dont je ne sais jamais assez vous remercier, mais pour l'encourager, au contraire, en lui prouvant à elle-même qu'elle est beaucoup plus efficace qu'elle ne veut avoir l'air de le penser. Quand à donner l'exemple d'une attitude Saint-Siège, cher ami, cela ne m'a jamais traversé l'esprit ; je souhaite qu'il est la perception bien nette de nos sentiments à nous, de notre situation française, de nos périls et par contrecoup des siens. Rien au-delà, et c'est ici quand vous priant de relire ma dernière lettre, en vous rappelant nos constants entretiens et ma constante conduite, je me permets de vous répéter que vous êtes de temps en temps sous l'empire d'appréhensions exagérées, contre lesquels peut-être vous avez un peu à vous défendre.

Il ne me reste plus de place pour un mot de politique ; je le regrette doublement car nous y serions très intimement d'accord pour la forme comme pour le fond.

Mille et mille tendresses. Alfred

Notes

1L'année nous est donnée par la date du 16 décembre qui est celle du renvoi du procès de Montalembert qui eut lieu en 1858. Voir lettre de Falloux à sa femme Marie du 1er novembre 1858.
2Jules Dufaure assure alors, aux côtés de Berryer, la défense de Montalembert et du Correspondant.

Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «29 novembre 1858», correspondance-falloux [En ligne], Année 1852-1870, Second Empire, Année 1858, CORRESPONDANCES, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES,mis à jour le : 24/06/2013