CECI n'est pas EXECUTE 5 décembre 1855

Année 1855 |

5 décembre 1855

Pierre-Antoine Berryer à Alfred de Falloux

Mercredi, 5 décembre [1855]

Mon ami, je vous ai écrit hier trop précipitamment et sans faire assez de réflexion sur les questions que vous m'adressiez. Je ne sais pas si c'est gardé une parfaite convenance envers l'académie que de lui venir dire je m'étais présenté pour obtenir le fauteuil de M. de Lacretelle1, un autre devenu vacant je préfère occuper celui-ci.mais surtout, j'ai négligé de répondre à ce que vous me disiez du changement de personnes pour vous recevoir.successeur de M. Lacretelle c'est M. Guizot qui doit vous répondre et c'est une grosse affaire en un temps où nous n'en pouvons avoir que deux petites. La situation politique que nous préparons pour l'avenir sera bien autrement dessinée et rendue patente à tous les yeux quand vous et M. Guizot vous serez montrés publiquement et solennellement unis dans les mêmes principes et les mêmes vues. Ceci est considérable et ne doit pas être facilement abandonné. Sans doute l'éloge de M. Molé vous sera une admirable occasion de développer toutes les pensées et de produire tous les sentiments sur l'intérêt de la France qui vous ont animés l'un et l'autre dans ces dernières années, mais vous ferez seul cet appel aux idées de conciliation, il n' aura là personne pour accepter l'accord. Car si le directeur actuel vous répond, c'est M. Briffaut2 qui ne sera qu'un retentissement de votre voix, parti du même point. Si la mauvaise santé de M. Briffaut donne la parole au chancelier actuel ce sera M. de Sacy qui ne vous parlera que sous les formes réservées du Journal des débats et qui n'a d'ailleurs aucun caractère public, aucune situation politique. L'éloge de M. Molé est beau à faire, difficile en quelques points mais il offre matière à des considérations graves élevées, utiles à faire retentir. Le désir de Madame de la Ferté3 est de ceux qu'il faut s'efforcer de satisfaire et je comprends qu'elle souhaite vous confier la mémoire de son père, mais ne perdrons nous pas beaucoup trop en perdant l'occasion de montrer l'union de convictions et de volontés entre vous et M. Guizot. Il est évident que personne ici ne tranchera la question ;il n'appartient qu'à vous de faire le choix. Je ne m'arrête pas beaucoup à l'idée de Saint-Marc Girardin qu'un plus grand nombre de voix vous appellerait à la succession de M. Molé. Je tiens votre élection pour sûr dans la l'autre cas. Pesez donc bien toutes les considérations. A peine sortira-t-il des causeries à l'académie l'expression d'un désir, d'une préférence. Je me mêlerai cependant assez causeries pour pouvoir vous transmettre les impressions que j'aurais recueillies. Ces quelques jours ne prenez d'engagement, même de demi engagements envers personne. Il est bien entendu que si les deux élections n'avaient pas lieu en une même séance, il n'y a plus à délibérer et vous vous maintiendriez dans la situation déjà faite.

Mille amitiés et prière de faire agréer mes hommages par Madame de Falloux.

Notes

1Lacretelle Charles (1866-1855), historien, il fut rédacteur parlementaire au Journal des débats pendant l'Assemblée constituante. Auteur d'un Précis historien de la Révolution française, il était entré à l'Académie française en 1811. Il mourut le 26 mars 1855.
2Brifaut, Charles (1781-1857), poète. Rédacteur à la Gazette de France, il est, comme Falloux, légiimiste libéral. Il était entré à l'Académie française en 1826.
3Adélaïde Christine Clotilde (1810-1872), mariée en 1829 à Mabire Antoine Fernand, marquis de La Ferté Meung. Elle était la fille du comte Molé.

Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «5 décembre 1855», correspondance-falloux [En ligne], Année 1852-1870, Second Empire, Année 1855, CORRESPONDANCES, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES,mis à jour le : 20/09/2013