CECI n'est pas EXECUTE 17 août 1851

Année 1851 |

17 août 1851

Gaston de Lévis à Pierre-Antoine Berryer

Noisiel1, le 17 août 1851

Monsieur,

Je reçois à l'instant la lettre que vous me faites l'honneur de m'écrire et je m'empresse de vous répondre. Personne ne déplore plus que moi la désunion de nos amis et personne, j'ose le dire, n'a fait plus d'efforts pour la prévenir.

Je n'ai pas été consulté sur la lettre de M. de Saint-Priest, pas plus que sur la publicité donnée à celle de MM. Rességuier et de Chaulieu pas plus enfin que je ne l'ai été pour la visite à Claremont2 et dans d'autres circonstances importantes. Je me plains, je l'avoue, de ce manque de confiance et d'entente avec moi et je crois avoir donné trop de preuves d'abnégation pour que l'on puisse supposer qu'il y ait rien de personnel dans le regret que j'exprime ; mais je me plains de ce que l'on a nui par là aux efforts que je n'ai cessé de faire pour éviter une scission d'autant plus malheureuse qu'il est beaucoup moins aisé de réparer le mal que de le prévenir. Si dans ces dernières circonstances la minorité à eu des torts que je ne conteste pas, je pense que la majorité en a eu

aussi quelques-uns à se reprocher en ce qui touche la conduite du parti et le maintien de l'union dans son sein. La connaissance parfaite que je crois avoir de notre situation envisagée à tous les points de vue me donne l'intime conviction que ce n'est ni par la violence et des pensées d'exclusion, de séparation, ni par d'importantes menaces d'appel à l'opinion publique et en cherchant à exercer une pression sur toutes les volontés que l'on parviendra aux buts que l'on se propose. Je suis persuadé que lors même que je consentirais aussi à rentrer dans cette voie, ce dont Dieu me garde, non seulement j'échouerais complètement et je n'obtiendrais rien, mais que je compromettrais ainsi tous les heureux et utiles résultats dus à un incessant et laborieux travail de plus de treize années. Je dois donc vous dire avec regret sans doute, mais avec cette complète franchise que j'ai toujours apportée dans mes relations avec vous et que je regarde comme un hommage rendu à votre caractère, je dois vous dire que je suis loin de partager entièrement votre manière de voir telle que vous l'exposez dans la lettre que vous avez bien voulu m'écrire. Les bornes d'une lettre sont trop étroites pour que je puisse vous donner ici sur les points où je diffère d'opinion avec vous toutes les explications qui seraient nécessaires. Je les réserverai donc pour le moment où je pourrai m'entretenir de vive voix avec vous. Je saisirai aussi cette occasion que je recherche vainement depuis longtemps pour vous soumettre quelques réflexions et quelques observations qui se sont manifestées récemment dans la politique générale, tendances qui me paraissent fâcheuses et qui peuvent même présenter des dangers pour l'avenir. Je hâte de mes vœux le moment du rendez-vous que je vous demande, parce que j'aime à croire qu'après quelques bonnes et franches explications nous parviendrons facilement à nous entendre et que le plutôt [sic] sera le mieux. Choisissez donc le lieu, le jour et l'heure du rendez-vous et comptez que je m'y rendrai exactement.

Agréez en attendant, Monsieur et ami, la nouvelle assurance de ce sentiment de sincère et cordiale amitié que je vous ai vouée depuis tant d'années et que rien ne pourra jamais faire varier.

D. de Lévis

Comme c'est un devoir pour moi de mettre sous les yeux de M. le comte de Chambord tout ce qui peut l'éclairer sur la situation, je profite d'une occasion sure pour lui envoyer votre lettre et la copie de ma réponse.

Notes

1Demeure du duc de Lévis, en Seine-et-Marne.
2Situé en Angleterre, le château de Claremont était le lieu de résidence de la famille d'Orléans depuis l'exil de Louis-Philippe lors de la révolution de février 1848.

Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «17 août 1851», correspondance-falloux [En ligne], Année 1851, Années 1848-1851, Seconde République, CORRESPONDANCES, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES,mis à jour le : 08/10/2013