CECI n'est pas EXECUTE 13 octobre 1871

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13 octobre 1871

Alfred de Falloux à Jules de Bertou

Rennes, 13 octobre 1871

Cher ami,

j'ai passé hier la journée dans mon lit, c'est-à-dire, dans le lit de M. de Séré1. Aujourd'hui, je viens faire quelques visites obligées, recevoir ce soir ces dames, au retour de Sainte Anne, et demain matin, partir tous ensemble pour le Bourg d'Iré, si la névralgie veut bien se contenter de ma crise d'hier.

Une dépêche télégraphique a annoncé hier au soir à Rennes la nomination de Casimir Périer2. Il était très fusionniste autrefois, mais il en est fort revenu, et était en dissidence déclarée avec son beau-frère3, sur cette question, ce que je vous dis en l'absence des Antoine qui doivent en savoir long là-dessus. Ce n'est donc point un bénéfice à ce point de vue, mais il me semble que c'est, néanmoins un pas de M. Thiers vers la majorité, et un commencement d'encouragement pour le parti conservateur. Que puise-t-on à Rochecotte de l'habileté personnelle du nouveau ministre ; j'en ai, à ce point de vue, entendu parler fort diversement, et mon impression personnelle, quand j'étais son collègue, ne compte pas, parce qu'il était alors très peu en vue. J'ai vu avec un vrai chagrin le non succès de M. de Juigné4 ; il est si porté au pessimisme, que je déplore doublement tout ce qui le confirme en cette voie. Dites-moi quelles nouvelles on en a, et comment il a pris ce contretemps, qui ne me paraît pas avoir une portée démocratique, si son successeur est, comme je le crois, un angevin moitié manceau et nullement révolutionnaire. Aucun journal n'a voulu me dire ce qui était arrivé au duc de Bisaccia5 et à Elie de Gontaut6, mais j'ai vu l'échec de M. de Meaux7 et j'en ai bien gémi. Il ne m'est rien venu de Rochecotte, ni hier ni aujourd'hui. J'espère que nous serons dédommagés, en arrivant au Bourg d'Iré par l'annonce de votre guérison et je vous embrasse d'avance, pour vous remercier de nous faire ce plaisir.

Alfred

P. S. Voudrais vous bien vous rappeler, dans le Cantal le souvenir de M. Cambrousse.

Notes

1Séré, Henri Marie de (1808-1878), homme politique. Propriétaire légitimiste d'Ille-et-Vilaine, il avait été élu à l'Assemblée législative du 13 mai 1849. Depuis le coup d’État, il était rentré dans la vie privée.
2Casimir Périer, Auguste, Victor, Laurent (1811-1886), diplomate et homme politique. Entré très tôt dans la diplomatie, il démissionnera pour devenir député sous la monarchie de Juillet (1846-1848). Retiré dans ses propriétés de l'Aube après la révolution de février, il entre à nouveau à la chambre à l'occasion des élections du 13 mai 1849 où il soutint la politique de la majorité conservatrice. Élu à l'Assemblée nationale du 8 février 1871, il siégea au centre droit. Le 11 octobre 1871, il avait été  appelé au gouvernement pour succéder au ministère de l'Intérieur à Lambrecht, décédé subitement le 8 octobre. Il démissionnera le 2 février 1872 pour protester en raison du refus de l'Assemblée de réintégrer Paris. Fondateur de la réunion dite de la République conservatrice, il évolua vers le centre-gauche. Rappelé au gouvernement par Thiers le 18 mai 1873 pour se voir confier une nouvelle fois le portefeuille du ministère de l'Intérieur, il n'occupa ce poste que quelques jours, le gouvernement ayant été mis en minorité le 24 mai 1873. Résolument opposé à la politique d'A. de Broglie et à la mise en œuvre de l'Ordre moral, il œuvra au rétablissement définitif et à l'organisation de la République. Élu sénateur inamovible, il vota constamment avec la gauche.
3Audiffret-Pasquier, Gaston d' (1823-1905) avait épousé Jenny Marie Fontenillliat, sœur de Camille Fontenilliat (1823-1912), épouse en seconde noce d'Auguste Casimir-Périer.
4Candidat en Maine-et-Loire aux cantonales du 8 octobre 1871, le comte de Juigné avait été battu. Leclerc de Juigné, Ernest (1825-1886), homme politique. Grand propriétaire de la Sarthe, il sera membre du conseil général de ce département en 1865, puis son représentant à l'Assemblée nationale. Légitimiste et catholique, inscrit à la réunion Colbert et à celle des Réservoirs, il siégea avec la droite. A nouveau candidat dans ce même département (circonscription de La Flèche), il sera battu par un républicain.
5La Rochefoucauld, Marie-Charles-Gabriel-Sosthène, duc de Bisaccia, puis duc de Doudeauville (1825-1908), homme politique. Élu à l'Assemblée nationale en 1871, il sera réélu de 1876 à 1889. Légitimiste, il contribua au renversement de Thiers, puis après avoir tenté, en vain, de convaincre le comte de Chambord de s'engager dans la « fusion », il déposa le 15 juin 1874 une proposition en faveur d'une restauration immédiate qui ne recueillit que 64 voix.   
6Gontaut-Biron, Élie de, vicomte (1817-1890), diplomate et homme politique. S'occupant d’œuvres charitables sous l'Empire, il entra en politique après le 4 septembre, se faisant élire en 1871 représentant des Pyrénées Orientales. Siégeant à droite, il se fit inscrire aux réunions Colbert et des Réservoirs. En janvier 1876, il fut élu au Sénat dont il sera membre jusqu'en 1883. Entre-temps, il avait été nommé par Thiers ambassadeur à Berlin, poste qu'il occupa du 4 janvier à sa démission en décembre 1877. Rentré dans la vie privée en 1882, il publia quelques articles remarqués dans le Correspondant, notamment (25 octobre 1889) contre l'alliance des monarchistes et des boulangistes.
7Candidat aux élections cantonales du 8 octobre 1871, C. de Meaux avait été battu.

Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «13 octobre 1871», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, 1871, CORRESPONDANCES, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES,mis à jour le : 03/11/2013