Année 1848 |
7 août 1848
Alfred de Falloux à Marie de Falloux
Paris, 7 août 1848
N'ayez aucune inquiétude pour le ministère, cher amour, je ne sais si je vous en avais parlé tant j'y ait attaché peu d'importance. Commencez donc par prendre note de ce premier gage de sécurité. J'y puis ajouter que jamais le pouvoir ne songera à me choisir. Il est vrai que si à la suite des événements de juin et dans l'enthousiasme de la victoire sur des ateliers on avait nommé par liste émanée de la chambre, j'y aurais été compris, mais c'était l'effet du moment ; cela ne se renouvellera pas, et j'y mettrai autant de soin que possible, car on m'eut proposé de me faire archevêque de Paris cela n'eut pas moins été ridicule et moins effrayant qu'un ministère quelconque. Bannissez donc cela absolument de votre souvenir, cher amour, car pour le mien, cela n'y avait laissé absolument aucune trace.
Les nouvelles de Rome sont fort graves. Les Républicains viennent d'y faire leur 15 mai1, ils sont entrés dans la chambre où ils ont été <mot illisible> accueillis excepté par Farini2. De là on s'est porté vers le Pape qui résiste. C'est donc une lutte ouverte et il faut en attendre avec anxiété le dénouement. Je viens à l'instant de rencontrer Mgr Sibour arrivé hier au soir. Il est petit mais il a un visage digne et spirituel. Quant à mon portrait, Victor de Puyssegur3 qui est venu en surveiller l'ébauche <mot illisible> qu'il est très ressemblant, pour moi je le trouve beaucoup trop joli. J'ai rencontré tantôt le Dr. Delpech qui m'a fait mille compliments sur mon air de santé : demain je dîne chez les Mackau4 avec Mme de S[ain]t Alphonse5 qui vient d'arriver et les accompagne à Villepatour6. Hier, j'ai dîné à l'ambassade de Sardaigne avec le duc de Noailles qui arrive de Londres et garantit la sécurité de la reine Victoria7. Il a beaucoup vu M. Guizot et en a rapporté des impressions qui m'ont paru justes et satisfaisantes, il y a également vu le Pce Metternich8 qui garantit que la Ctesse de Chambord9 n'aura jamais d'enfant. Composez de toutes ces nouvelles le total que je ne puis pas vous indiquer en ce moment. Quant à moi, je suis reconnaissant quand on m'informe, mais je me renferme strictement dans la neutralité comme M. Boived10. Le terme de nos travaux semble en effet toujours reculer, mais notre impatience croit aussi, et je vois avec joie croître l'opinion à laquelle je pousse tant que je peux, de notre dissolution plutôt que de notre ajournement.
Mille et mille tendresses.
Alfred
Je m'étais bien aperçu du retard de votre lettre, mais je n'ai pas voulu m'en inquiéter.