CECI n'est pas EXECUTE 8 mai 1874

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8 mai 1874

Alfred de Falloux à Jules de Bertou

Paris, 8 mai 1874

Cher ami,

Mme de Castellane va très passablement, et se dispose toujours à partir samedi ou dimanche ; j'ai vu les Lambel1 chez eux, mais avec un nouveau chagrin ; un de leurs neveux, de 17 ou 18 ans est mourant et ils en paraissent fort affligés. Tout ce que je rencontre est à un diapason très opposé à celui de Rochecotte, très animé contre l'Union, qui demande nettement depuis deux jours qu'on vote contre la loi électorale, parce que c'est une loi constitutionnelle. Les députés aussi commencent à revenir de leurs provinces effarouchés de l'agacement que causent de pareilles folies. Larcy que j'ai beaucoup vu, se rapproche de plus en plus de Depeyre2, qui est tout à fait uni au duc de Broglie, et Janicot3 s'en ressent.

A propos de journaux, veuillez dire à Loyde que je n'ai pas reçu la Semaine religieuse qu'elle m'avait annoncée, et qu'elle me fera très grand plaisir si elle m'en achète une autre et me la renvoie. Sa lettre d'hier me montre la pauvre Marie4 bien cruellement souffrante, et voilà un temps qui lui fera moins de bien qu'aux prairies. Je me borne à mes regrets et à mes voeux, car je suis déjà bien fatigué par tous les métiers qu'on me fait faire. Néanmoins, je ne néglige pas Cochin5, et j'en suis à ma troisième séance avec M. Daru6, qui me lit et me raconte des choses fort curieuses.

Au revoir, au revoir prochain, j'espère.

Alfred.

P.S. Voici votre lettre et celle de la princesse Radziwill7. La vôtre pour Albert [de Rességuier] va être remise en main propre tout à l'heure. Sur quoi porte la correspondance Armin, que je n'ai pas lu du tout.

 

 

 

1Lambel, Alexandre de (1814-1903), grand propriétaire lorrain, ce proche d'A. de Melun et de Jules de Bertou a contribué, aux côtés d'A. de Melun, au développement des œuvres du catholicisme social, à Paris notamment, où, dés 1838, il avait fondé le Patronage de Saint-Jean.

2Depeyre Octave Victor (1825-1891), avocat et homme politique. Élu député de la Haute-Garonne en 1871, il s'était fait inscrire à la réunion Colbert et aux Réservoirs et avait pris place à droite. Ardent monarchiste, il attaqua à diverses reprises le gouvernement de Thiers et contribua activement à son renversement. Il fut l'un des auteurs du projet de prorogation des pouvoirs du maréchal qui aboutit au septennat voté le 20 novembre 1873. Ministre de la Justice dans le cabinet de Broglie remanié, il prit plusieurs mesures conformes à ses opinions et défendit, contre ses propres amis les légitimistes « le caractère incommutable du vote du 20 novembre, par lequel l'assemblée a entendu placer les pouvoirs du maréchal et leur durée au-dessus de toute contestation. ». Ayant suivi le cabinet de Broglie dans sa chute (21 mai 1875), il reprit sa place à droite et vota pour les prières publiques, pour l'abrogation des lois d'exil, pour le pouvoir constituant de l'Assemblée, pour l'arrêté contre les enterrements civils contre l'amendement Wallon et contre les lois constitutionnelles. Il sera élu au Sénat le 30 janvier 1876. Battu lors du renouvellement triennal du sénat en 1879, il quitta la vie politique.

3Janicot Gustave (1830-1910), journaliste français. Secrétaire de Genoude puis de Lourdoueix, rédacteur, puis directeur de la Gazette de France.

4Marie de Falloux, son épouse, est alors gravement malade.

5Falloux préparait un ouvrage sur son ami Augustin Cochin, décédé le 15 mars 1872.

6Daru, Napoléon, comte (1807-1890), fils de l’un des dignitaires de Napoléon Ier, polytechnicien et officier d’artillerie. Entré à la Chambre des Pairs en 1832 où il prit part activement aux débats (en particulier dans la question des chemins de fer) ; député de la Manche en 1848 et 1849 ; adversaire intransigeant de Louis-Napoléon, il fut arrêté en 1851 et se retira de la vie publique jusqu’en 1869, date de sa réélection comme député de l’opposition libérale (département de la Manche). Devenu l’un des chefs du centre gauche, il représenta cette tendance dans le ministère Ollivier du 2 janvier 1870. Après l’inauguration de l’Empire libéral, il fut nommé ministre des Affaires Étrangères le 2 janvier 1870, mais démissionne le 11 avril 1870. Élu à l’Assemblée nationale puis au Sénat ; devenu monarchiste il fut un ferme partisan de l’Ordre moral. Non réélu en 1879, il se retira de la vie politique.

7Marie Dorothée Élisabeth Radziwill, princesse (1840-1915), née de Castellane, elle est la fille de Pauline de Castellane, la châtelaine de Rochecotte. Le 3 septembre 1857, elle avait épousé à Sagan, en Pologne, Frédéric-Guillaume-Antoie, prince Radziwill (1833-1904), militaire prussien. Femme de lettres, on lui doit la publication des Souvenirs de sa grand-mère, la Duchesse de Dino, Chronique de 1831 à 1862, Paris, Plon, 1909-1910, 4 vol.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «8 mai 1874», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1874,mis à jour le : 04/01/2019