CECI n'est pas EXECUTE 29 septembre 1874

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29 septembre 1874

Alfred de Falloux à Jules de Bertou

Bourg d'Iré, 29 septembre 1874

Cher ami,

Je vous renvoie, avec beaucoup de remerciements pour qui de droit, le billet d’Élie de Gontaut1, et je demande qu'à la première occasion on lui répète mon très fidèle souvenir. Hélas ! Il confirme ce que nous ne savons que trop et ce qu'oublient avec une légèreté inexcusable, ceux qui retournent tous les matins le poignard dans notre plaie pour étaler dans les journaux des phrases sans responsabilité. C'est aussi ce qui aggrave la consigne internationale à laquelle ont obéi nos abstentionnistes2, dans le scrutin qui nous donne pour député, comme aux plus beaux jours de la Terreur, un menuisier jacobin3. Désormais nous ne pourrons plus nous plaindre, quand on nous accusera de provoquer de gaieté de cœur, les invasions étrangères. Henry d’Armaillé4 et Henry de La Salmonière5 ont été autour de moi les deux seuls abstentionnistes, et l'arrondissement de Segré tout entier, y compris le canton de Châteauneuf6, a donné une grande majorité à M. Bruas7. C'est la première récompense de mon discours de Segré8, qui m'avait coûté un très pénible effort physique. La seconde récompense est la lettre de Charles de Quatrebarbes9 qui ne m'a jamais été adressé ou du moins que je n'ai pas encore reçu mais que j'ai lue avant-hier dans L'Etoile, et hier dans L'Univers. Est-ce que L'Union ne vous l'a pas donnée ? J'en serais étonné et affligé, car je tiens à honneur tout ce qui marque publiquement ma séparation de gens et de choses qui me font depuis longtemps horreur.

Je suis rentré avec zèle dans mon volume Cochin10 ; j'ai eu grand plaisir hier à rendre hommage aux Mame11 et à intercaler la belle phrase des évêques que vous m'aviez fait connaître sur l'observation du dimanche.

La bibliothèque de Rochecotte possède-t-elle le P. de la Rue ? Mme de La Rochefoucauld12, les Trédern13 et les Du Bobéril14 sont venus avant-hier et hier. La pauvre Marie15 n'a pu les voir qu'une minute et sans se mettre à table.

Alfred

On dit que les La Bourdonnaye16 ont pratiqué et prêché l'abstention. Amédée17 doit le savoir.

 

1Gontaut-Biron, Élie de, vicomte (1817-1890), diplomate et homme politique. S'occupant d’œuvres charitables sous l'Empire, il était entré en politique après le 4 septembre, se faisant élire en 1871 représentant des Pyrénées Orientales. Siégeant à droite, il se fit inscrire aux réunions Colbert et des Réservoirs. En janvier 1876, il fut élu au Sénat dont il sera membre jusqu'en 1883. Entre-temps, il avait été nommé par Thiers ambassadeur à Berlin, poste qu'il occupa du 4 janvier à sa démission en décembre 1877. Rentré dans la vie privée en 1882, il publia quelques articles remarqués dans le Correspondant, notamment (25 octobre 1889) contre l'alliance des monarchistes et des boulangistes.

2Nombre de grands propriétaires du Maine-et-Loire s'étaient pliés aux consignes du comte de Chambord qui avait appelé ses fidèles à s'abstenir lors de l'élection partielle du Maine-et-Loire.

3Élu au second tour lors de l'élection partielle du Maine-et-Loire, en octobre 1874, le républicain Alexis Maillé (1815-1897) devenu entrepreneur avait été apprenti menuisier avant de devenir entrepreneur.

4La Forest d'Armaillé, Ambroise Louis Henri de (1821-1892), propriétaire du château de La Douve, au Bourg d'Iré.

5Goguet de La Salmonière (1841-?), Henri Marie, ancien officier des Zouaves pontificaux.

6Le canton de Châteauneuf-sur-Sarthe était en effet plutôt fidèle au Bonapartisme.

7Lors de l'élection partielle de Maine-et-Loire de septembre 1874, Falloux et ses amis s'étaient engagés dans un actif soutien du candidat conservateur Bruas contre les deux autres candidats, le Bonapartiste Berger et le républicain Maillé. Au second tour, Bruas avait été devancé par Maillé qui semble avoir bénéficié du report des voix de Berger éliminé au premier tour.

8Falloux avait appelé à voter pour Bruas, candidat conservateur.

9Quatrebarbes, Charles Philippe Jean de (1824-1893) demeurant au château des Rochs, à Morannes (Maine-et-Loire).

10Falloux préparait un ouvrage sur son ami Augustin Cochin, décédé le 15 mars 1872.

11Editeurs de Tours auxquels Falloux a confié certains de ses ouvrages.

12Marie Georgine Sophie hedwige de Ligne (1843-1898), épouse de La Rochefoucauld, Marie-Charles-Gabriel-Sosthène, duc de Bisaccia, puis duc de Doudeauville (1825-1908), homme politique. Élu à l'Assemblée nationale en 1871, il sera réélu de 1876 à 1889. Légitimiste, il contribua au renversement de Thiers, puis après avoir tenté, en vain, de convaincre le comte de Chambord de s'engager dans la « fusion », il déposa le 15 juin 1874 une proposition en faveur d'une restauration immédiate qui ne recueillit que 64 voix.

13Trédern, Louis, Désiré, Bonaventure de (1805-1883), militaire et homme politique. Lieutenant d'artillerie, il démissionna et devint conseiller municipal de Rennes et entra aux côtés d'Audren de Kerdrel à la rédaction du Journal de Rennes. Élu de l'Ille-et-Vilaine à l'Assemblée constituante en 1848, il vota avec la droite. Il ne sera pas réélu par la suite.

14Les Du Bobéril sont alliés aux Trédern, Louis de Trédern ayant épousé Adèle du Bobéril (1811-1836).

15Marie de Falloux, son épouse, est alors gravement malade.

16De La Bourdonnaye, Marie Ferdinand Raoul (1837-1911) était alors député (Union des droites) du Maine-et-Loire, élu à l'occasion d'une élection partielle, le 6 avril 1884. Fidèle au comte de Chambord, il sera constamment réélu par le Maine-et-Loire jusqu'en 1906.

17Sans doute Andigné, Amédée Marie Alexandre (1822-1889).


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «29 septembre 1874», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1874,mis à jour le : 24/12/2019