CECI n'est pas EXECUTE 28 juin 1873

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28 juin 1873

Alfred de Falloux à Pauline de Castellane

Bourg d'Iré, 28 juin 1873*

 

Chère Madame,

Ils se sont tous bien régalés en vous souhaitant votre fête sans moi, et ils ont prétendu qu'ils m'avaient bien fait ma part dans leurs lettres ; mais j'espère que c'est vous surtout qui me l'aurez faite, en me tenant compte des entraves contre lesquelles je suis moins que jamais en état de lutter ; mes insomnies ont du moins cela de bon qu'elle me mettent et me laissent bien en tête-à-tête avec Dieu ; c'est le moment où je suis le plus ami, et bien qu'il n'y paraisse pas beaucoup je vous assure que vous n'avez pas un souci ni une sollicitude dont je ne fasse mon unique affaire dans ces moments-là.

Croyez aussi que votre santé n'y est pas oubliée, et quand vous aurez un chagrin de moi ou une force de plus, ne doutez pas que je n'y sois pour quelque chose.

Bertou vous a dit que Madame de Caradeuc1 avait réclamé d'elle-même les sangsues cette semaine, et que Monsieur Letort2 avait jugé le résultat satisfaisant. Nous allons vivre un peu là-dessus ; mais combien de temps ? C'est là une pensée bien cruelle et dont on porte le poids partout. Le voyage de Caradeuc s'en ressent, et je ne vois pas qu'on s'occupe encore d'en fixer la date. On semble craindre également et de le fixer pendant la grande chaleur et d'y renoncer. Pour mon compte, je n'ose intervenir, tant je craindrais la responsabilité de mon avis, s'il prévalait, le voyage pouvant avoir des inconvénients immédiats et l'air de Caradeuc des avantages, quand on est une fois rendu. Je pense qu'en définitive c'est l'instinct de Madame de Caradeuc elle-même qui en décidera, et qui sait le mieux.

La politique me paraît très bien acheminée jusqu'aux vacances, et les vacances elles-mêmes se passeront très probablement fort en paix ; mais l'année prochaine il faudra bien aborder les grosses difficultés ou avouer qu'on recule devant elle, faute de pouvoir les résoudre, et dès lors quel triomphe moral pour les démagogues ! Mais veut demeure donc aussi actif et aussi ardent que par le passé pour qu'on mène de front le double effort qui imposera plus de raison à Monsieur le comte de Chambord et plus de vertu à ses héritiers. Faites donc bien votre examen de conscience sur ce chapitre avant d'arriver à Évian, et était ensuite à celui de la duchesse de Galliera3 car notre sécurité actuelle ne sera pas de longue durée, si elle ne se fonde par sur un prochain un avenir, et il n'y a d'avenir dans le triomphe absolu de personnes, quand les intérêts divers sont si anciens et si compliqués.

Mais voilà que j'oublie que vous êtes au repos de royale, pardonnez le mois, chère Madame, et veuillez dire dans votre correspondance avec les Radziwill4 combien je fais de vœux pour tous ensemble et pour chacun à part.

Au revoir, au revoir, Alfred.

 

Nous recevons la nouvelle de l'arrivée à bon port de l'abbé Couvreux à Bagnères.

 

*Archives départementales du Maine-et-Loire

1Belle-mère d'Alfred de Falloux.

2Médecin de la famille Falloux.

3Marie, duchesse de Galliera, née Brignole-Sale (1812-1888).

4Le prince Guillaume-Anton Radziwill (1833-1904), militaire prussien, auquel Marie de Castellane, la fille de Pauline de Castellane est mariée depuis 1860.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «28 juin 1873», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1873,mis à jour le : 08/03/2015