CECI n'est pas EXECUTE 7 mars 1874

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7 mars 1874

Alfred de Falloux à Pauline de Castellane

Bourg d'Iré, 7 mars 1874*

Chère Madame,

Nous sommes tous bien réjouis de penser que vous êtes installée dans le joyeux repos que vont vous faire enfants et petits-enfants, et j'espère que la fatigue inséparable de l'empressement qui va vous accueillir sera plus que compensée par sa douceur. Nous attendons donc le courrier qui va venir tout à l'heure, avec une confiance attristée cependant par une autre bien douloureuse impression. Une lettre de Pierre de Cambis1 m'annoncait hier la mort presque soudaine de sa mère2 à Avignon. Nous ignorions même qu'elle eut été malade et en réalité elle l'a été quelques jours à peine. C'est encore un morceau du passé qui se détache et va rejoindre les autres déjà si nombreux. Vous savez que mon mouvement est toujours d'envier ceux qui meurent et de ne plaindre que ce qui restent, sans cependant me croire ingrat envers la Providence pour ce qu'elle nous laisse. Si Madame de Cambis a pressenti la mort, elle aura pu du moi reposer ses yeux sur des existences toutes faites et toutes acheminées dans leur propre voie ; il n'en aura pas été de même du pauvre duc de Maillé3, qui avait si bien encore, il y a peu de temps, la jeunesse de la santé, et qui laisse encore une famille ayant tant besoin de son chef ; il me témoignait sans cesse, depuis bien des années, une véritable amitié, et je suis vraiment navré de ne l'avoir pas revu à mon dernier passage de Paris. J'ai cependant été à sa porte, mais sans entrer, et me contentant de prendre de ses nouvelles. Je le croyais destiné à me survivre de bien des années.

Madame de Caradeuc est venue hier, appuyé sur le bras de M. Letort4, faire une visite à Marie; j'étais, pendant ce temps-là à repasser chez Loë et avec elle tous les souvenirs de la pauvre Valérie [de Cambis-Alais]. À mon retour, la mère, la fille et le docteur étaient tout joyeux de cette expédition ; c'est du moins là un côté de consolation dont vous jouirez bien avec nous, chère, chère Madame. Vous voyez cependant que Marie est encore au lit, mais avec des souffrances moins aiguës. Pauvre Émile Ollivier5! Qui ira cette fois l'embrasser de ma part, en signe de condoléance sur sa fidélité malheureuse ? Au revoir, au revoir prochain, j'espère. Merci à Madame Madeleine.

A. de F.

 

 

*Lettre conservée aux A.D. Maine-et-Loire.

1Cambis-Alais, Pierre, Jean Marie Victor ( (1843-1893).

2Cambis-Alais, Valérie Marie Thérèse née deLa Fons de La Plesnoye (?-1874).

3Jacquelin Armand Charles, 3ème duc de Maillé (1815-1874).

4Médecin de famille des Falloux.

5Ayant réclamé le droit d'être reçu à l'Académie française, E. Ollivier avait préparé pour la séance du 3 mars 1874 son discours de réception dans lequel il faisait entrer des considérations politiques, notamment une apologie de Louis Bonparte, dont Guizot, compte tenu du contexte politique, demanda la suppression ; il s'en suivit un pénible incident et l'ajournement indéfini de la réception solennelle de M. Ollivier qui fut considéré comme reçu.

Émile Ollivier (1825-1913), homme politique. Fils d’un Carbonaro républicain, il fut nommé par le gouvernement provisoire préfet de Marseille, le 27 février 1848; il avait alors 22 ans. Il se fit élire en 1857 au Corps Législatif. Républicain, il était néanmoins dépourvu de tout sectarisme. Il accueillit avec faveur l’orientation du régime vers le libéralisme, approuvant notamment le décret du 24 novembre 1860. Réélu en 1863, il fut appelé par l’Empereur pour diriger le gouvernement du 2 janvier 1870. Exilé en Italie jusqu'en 1873, battu dans le Var en 1876 et en 1877, il consacra le reste de sa vie à la rédaction des dix-sept volumes de son Empire libéral. Il avait été élu à l'Académie française le 7 avril 1870.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «7 mars 1874», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1874,mis à jour le : 02/11/2022