CECI n'est pas EXECUTE 25 mars 1884

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25 mars 1884

Melchior de Voguë à Alfred de Falloux

25 mars 1884

Mon cher comte, j'ai été comme vous mis par Lavedan au courant de sa triste situation et j'ai le regard de ne pouvoir me prêter à la combinaison qu'il avait imaginée pour en sortir. Un emprunt à la caisse du Correspondant et suivant moi, impossible : je ne pouvais en conscience l'autoriser. Je me mis alors à sa disposition pour chercher avec lui une combinaison acceptable. Bien que la catastrophe dont il a été victime1 ait été amené par l'imprudence avec laquelle il s'est associé au jeu effréné de bon tout, j'estime que nous ne pouvons pas le laisser tomber. En dehors de même de nos sentiments d'amitié pour lui, il y a un intérêt politique de premier ordre à ne pas laisser exposer aux poursuites des eussiez et au commentaire de toute la presse, un nom si complètement identifié avec notre cause et nous espérance. Je lui ai donc offert mes services ; il m'a dit alors que vous lui aviez spontanément offert les votre et qu'il avait cru devoir ne pas les accepter : j'ai combattu ses scrupules et lui ait proposé de m'entendre avec vous pour agir en commun : il a fini par consentir, vous a écrit, et a reçu de vous un mot à mon adresse, très affectueux et se terminant ainsi : « Je ferai ce qu'il voudra, quand il voudra, et sous la forme qu'il voudra ». Je vous aurais remercié plus tôt des termes affectueux et confiant de cette communication, si Lavedan m'avait demandé quelques jours pour essayer d'obtenir de son créancier une diminution de la dette. Les jours se passent pourtant, l'échéance approche et il faut aviser : je viens donc m'entretenir avec vous de cette œuvre commune et pressante.

La somme due au Ier avril, même en admettant qu'elle soit réduite, ne sera certainement pas infèrieure à 16.000 Fr. Je vous propose de nous associer pour en prêter chacun la moitié à Lavedan : si vous acceptez, il sera inutile de faire voyager des fonds : je verserai toute la somme et vous me remettrez votre part à la première occasion. Lavedan offre de se libérer par des retenues annuelles, sur son traitement. Je verrai avec lui quelle est la somme qui peut être retenue sans trop le gêner : je suis certain d'être d'accord avec vous en ayant devant les yeux un double but : celui de ne pas froisser la dignité de Lavedan en ayant l'air de ne pas tenir au remboursement et celui de ne pas rendre le remboursement trop onéreux : nous y arriverons en n'acceptant pas d'intérêt et en espaçant convenablement les versements : je me charge de l'application si vous approuvez le principe. En cette circonstance, comme en tout autre, je suis tout prêt à m'associer à vous et à suivre vos indications. Veuillez le croire et croire en même temps au bien sincère et affectueux dévouement dont je vous renouvelle la respectueuse expression.

Vogüe

1Léon Lavedan avait acheté des actions de L'Union générale, la banque catholique fondée en 1878 par Eugène Bontoux qui suite à de multiples opérations de spéculation s'était effondrée en janvier 1882 entraînant avec elle la faillite de plusieurs agents de change de la Bourse de Lyon puis de la Bourse de Paris.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «25 mars 1884», correspondance-falloux [En ligne], 1884, CORRESPONDANCES, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, Troisième République,mis à jour le : 28/03/2020