1872 |
Janvier 1872
Alfred de Falloux à Charles de Franclieu
[Janvier 1872]
Monsieur le marquis,
Je retrouve dans votre lettre1 ce qui m'avait frappé dans vos paroles, c'est-à-dire, une préoccupation excessive de son propre point de vue, qui rend, involontairement, mais forcément, injuste envers tout point de vue différent car elle l'écoute sans l'entendre. Les faits mêmes les plus faciles à constater se dénaturent et se transforment dans des imaginations ainsi prévenues ; je vais vous en donner la preuve.
Vous m'accusez d'avoir convoqué une réunion, chercher un grand retentissement, méditer une grande entreprise. Rien au monde des moins exacts, et les collègues qui siègent à côté de vous sont prêts à vous répéter comme ils l'ont dit à la réunion2 elle-même que toute chose s'est passée avec beaucoup plus de simplicité. Toutefois, ce qui m'est personnel importe peu et je ne veux voir dans votre lettre que ce qu'elle contient de sérieusement politiques.
Vous avouez votre impuissance et vous vous révolter contre ceux qui viennent vous dire que la puissance est le pire des états pour toute assemblée ; à plus forte raison, pour une assemblée constituante, investie d'un mandat illimité, dans les circonstances les plus décisives et les plus impérieuses qui furent jamais.
Permettez-moi donc d'espérer, Monsieur le marquis que, en recouvrant le calme, vous me reconnaîtrez quelques droits à votre indulgence peut-être même à votre attention. Je le souhaite pour mon pays, qui s'épuise dans la division se meurt dans l'attente ; je le souhaite pour mon propre compte et vous offre, en tout cas, l'expression sincère de ma très haute considération.
Falloux
1Voir lettre de Franclieu à Falloux du 2 janvier 1872.
2Le 3 janvier 1872, Falloux avait prononcé un important discours en faveur de la fusion lors d'une réunion légitimiste chez Camille de Meaux à l'issue de laquelle il s'était attiré les foudres des inconditionnels du comte de Chambord notamment du marquis de Franclieu.
